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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

"Le triangle d'hiver"de Julia Deck

"Le triangle d'hiver"de Julia Deck

Encore un auteur que je ne connaissais pas et que je viens de découvrir dans les rayons d'une bibliothèque.

Julia Deck est née en 1974. Son père est artiste plasticien, sa mère, d'origine britannique est traductrice. Elle a fait des études de lettres et de nombreux boulots dans l'édition en particulier pendant son année passée à New York. Depuis 2005 elle se consacre à l'écriture après avoir été chargée de communication dans plusieurs groupes (dont Nestlé, Total...). Pour pouvoir consacrer du temps à l'écriture, elle est actuellement secrétaire de rédaction pour divers journaux en tant que pigiste. Son premier roman intitulé "Viviane Elisabeth Fauville" l'a révélé au public et a été un événement littéraire de la rentrée 2012.

 

Dans son nouveau roman "Le triangle d'hiver", l'auteur met en scène une jeune femme fantasque et fabulatrice, incapable de s'insérer dans la société et qui n'a surtout pas envie de travailler mais a d'autres solutions pour s'en sortir malgré tout.

Celle que le narrateur appellera "Mademoiselle" ou "elle" et dont on ne saura rien, celle qui se fera appeler Bérénice Beaurivage, est une trentenaire solitaire, à la recherche d'elle-même qui vit de petits boulots (elle a été vendeuse)  jusqu'à ce qu'insatisfaite, elle décide d'en changer à nouveau sous n'importe quel prétexte.

Le roman démarre sur un dialogue très réaliste et non dénué d'humour avec la conseillère du Pôle emploi !

Bérénice Beaurivage... Ce nom d'emprunt lui a plu tout de suite, il correspond à ce qu'elle rêve d'être et l'incite à se faire passer pour une romancière comme l'actrice qui lui ressemble qu'elle a vu jouer dans un certain film (Il s'agit d'Arielle Dombasle dans le film intitulé "L'arbre, le maire et la médiathèque" d'Eric Rohmer).

Et de plus, les romancières "ignorent les réveils à l'aube pour emprunter d'épouvantables transports en commun" ! Bérénice aussi, ça tombe bien...

Elle fait du farniente un art véritable. Mais pragmatique, il faut bien manger et se vêtir, elle n'hésite pas à user de ses charmes ou à effectuer de menus larcins pour survivre.

Sa véritable errance commence lorsqu'elle se fait renvoyer du  "Pôle emploi". De port en port, où elle regarde passer les bateaux, de rencontre en rencontre, elle va passer le temps,  jusqu'à ce que celui qu'elle nommera l'Inspecteur _ qui inspecte vraiment les paquebots mais se trouve bien entouré, et surveillé de près, par une certaine journaliste rousse, Blandine Lenoir _ tombe sous son charme.

Son métier consiste à superviser, contrôler, vérifier...toutes choses qu'il sait très bien faire dans son travail mais qu'il va oublier de mettre en pratique dans sa vie privée...Le pauvre est amoureux et conquis par leurs premiers ébats. Il est  par nature protecteur, il a de l'argent et devient son amant. Il pensait profiter d'un amour de passage valorisant, pensez-vous... avec une romancière ! Le voilà pris au piège...

Elle plonge avec délice dans sa nouvelle vie, se promène pour passer le temps, lui ment avec affront, se perd dans ses mensonges. Mais Blandine veille...et veut la confondre.

Bérénice s'accroche à lui, le suit à Marseille mais le doute s'insinue dans le couple.  Elle est mutique sur son passé et sur ses écrits qu'elle ne veut pas lui montrer (caprice d'écrivain ou mensonge ? se demande-t-il). Il fait des recherches sur internet et ne la trouve pas. "Tu n'existes pas" lui dit-il un jour. Il commence à comprendre que Bérénice le mène en bateau !

Pourtant, elle le suivra jusqu'à Paris où elle tentera de se faire invisible dans son appartement trop petit.

Mais entre les deux femmes il lui faudra bientôt choisir et la fin du roman qui nous fait revenir dans la ville du Havre, point de départ de l'histoire, ne referme pas vraiment le triangle...Mais chut je ne vous direz rien de la chute.

 

Ce que j'en pense

C'est un roman vivant, mais déroutant, merveilleusement écrit avec un style très particulier. Les pensées de Mademoiselle intégrées aux dialogues réels sont un pur délice.

Le personnage de cette jeune femme paumée, un peu cinglée, prête à donner son corps et à changer d'identité pour ne pas avoir à faire de petits boulots est tout à fait intéressant. Il devient sublime sous la plume de cet auteure dont je suivrais, c'est sûr les futurs écrits...en commençant par lire son précédent roman que je ne connais pas....

La description des paysages, des zones portuaires immenses, de la mer, des halls de gare, contraste avec celle des tous petits espaces (chambres d'hôtels, appartements, musées...). Mais l'œil de Mademoiselle nous donne une vision du monde très géométrique : l'agencement des rues, les angles de son appartement, les portes le long des couloirs...c'est grâce à ce regard très pragmatique qu'elle porte sur les choses, les objets et les gens que son monde à elle, ses rêves, sa vie fantasmée ne s'écroulent pas.

Partir ou, rester et être en sécurité, exister et vivre, ou dormir, Mademoiselle oscille entre les deux.

Laissez-vous tenter par ce court roman drôle et surprenant qui, une fois arrivé à la fin, vous donnera envie de reprendre le début. Avez-vous raté quelque chose qui vous permettrait de mieux comprendre l'intrigue ? Mais, et c'est bien connu, dans un triangle équilatéral, tous les côtés sont égaux...

Car le triangle d'hiver, c'est à la fois le triangle amoureux formé par Bérénice, Blandine et l'Inspecteur, le triangle entre trois lieux (Le Havre, Saint-Nazaire et Marseille via Paris), le triangle entre trois étoiles (parmi les plus brillantes du ciel d'hiver), Sirius, Betelgeuse et Procyon qui donneront leur nom à un bateau.

Ce roman fait partie de la première sélection de treize romans français du Prix Femina 2014.

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