Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Comme d'habitude lorsque je découvre un auteur j'aime lire ses autres titres...
J'ai découvert depuis peu Sylvain Pattieu, un jeune maître de conférence en histoire contemporaine à l'Université Paris 8, enseignant en lycée et de plus né en Provence (je suis chauvine !), avec son dernier roman "Le bonheur pauvre rengaine", roman documentaire que j'ai trouvé très intéressant.
Sorti il y a deux ans déjà, "Des impatientes", son premier roman, ne m'avait pas tenté à l'époque car il avait été beaucoup lu et très commenté dans la salle des professeurs. J'avais l'impression de ne plus rien avoir à découvrir... Comme d'habitude, je me trompais !
L'histoire débute dans leur lycée dit "difficile" situé dans la région parisienne, coincé entre la voie rapide, le commissariat, le terrain de foot et les cités. Là, tous les jours, des centaines d'adolescents et des enseignants courageux vont vivre une journée remarquable ou pas. Le chahut, les bagarres, les rigolades, les contrôles, les cours intéressants ou pas, les profs qu'on aime ou pas (idem pour les élèves), les rêves, les désillusions...telle est la vie quotidienne de milliers d'enseignants, de personnels éducatifs et d'élèves !
Voilà pour le décor de la première partie du livre intitulé
même si une certaine admiration pointe pourtant dans ses propos : "Moi, ces filles je les admire, je les appelle des "fleurs de banlieue", ...elles poussent comme ça, sans engrais sur du béton".
L'incident :
Kévin perd patience et exclut Alima parce qu'elle donne raison à un de ses camarades de classe qui contestait le fait qu'il propose un contrôle surprise (il avait suffisamment de problèmes comme ça et même s'il essayait de séparer sa vie privée de sa vie professionnelle, il reconnaîtra et regrettera son échec).
En larmes dans la cour, elle a le malheur de se faire consoler par Eddy, qu'elle ne connaît pas, dont Bintou est follement amoureuse. Bintou la voit par la fenêtre de sa classe, sort de ses gonds et de sa classe (sans autorisation). Et voilà qu'Alima craque, se retrouve dans une bagarre...dont je vous passe les détails truculents et très réalistes mais une bagarre grave puisque lorsque Kévin intervient, il prend des coups !
On ne frappe pas un adulte dans un établissement scolaire (et soit dit en passant un élève non plus) : c'est le conseil de discipline et le renvoi
Les voilà maintenant toutes deux dans un autre monde, celui du travail, et grâce à l'assistante sociale du lycée dans le même microcosme, celui d'un magasin de déco (mieux qu'IKEA !).
Là, elles vont découvrir le poids du quotidien, les chefs qui s'octroient des petits pouvoirs mesquins, les pesanteurs du système, les règles incontournables à appliquer pour être une bonne caissière (règles énoncées en début de chapitre, non sans humour !)...
Jusqu'à la révolte finale !
C'est un roman à plusieurs voix : celle des adolescentes d'abord puis de Kévin, le jeune professeur d'histoire qui va se trouver indirectement mais "moralement responsable" de l'incident. Puis plus tard celle d'Aziz, le vigile du magasin tombé amoureux d'Alima dès le premier instant et qui cherchera par n'importe quel moyen à se protéger... Comme Kévin, il a du mal à maîtriser ses émotions et il s'est battu pour en arriver là où il est : pour avoir enfin des papiers en règle, pour faire des études, pour obtenir ce travail de vigile...
Tous deux ne sauront pas comprendre les adolescentes, et surtout les aider à grandir.
S'intercalent au milieu de ces voix, des chapitres descriptifs : la salle des professeurs (l'ambiance est véridique en ZEP), le lycée et les personnels qui y travaillent, le magasin.
On ne peut s'empêcher d'admirer Alima et Bintou car elles le sont admirables et attachantes chacune pour des raisons différentes !
Elles luttent contre les injustices chacune à sa manière, selon son vécu, son expérience de la vie, son histoire familiale...
Leur destin semble tracé d'avance et, en tant que filles d"immigrés, il semble que, quels que soient leurs rêves, leurs capacités d'adaptation, leurs réussites personnelles ou leurs échecs, leur avenir soit tout tracé sans possibilité de changement. Voilà une des faiblesses révoltantes de notre société. Le lecteur assiste, impuissant, au gachis de ces deux vies mais ne tombe pas pour autant dans le désespoir.
« Elles ont poussé entre les murs, n'importe comment, herbes folles sans tuteurs, et elles se sont frayé un passage, le corps dans l'ombre, la tête tournée vers le soleil. »
Alima et Bintou, la douée, bûcheuse et sérieuse et celle en qui les enseignant n'avait pas eu confiance, s'en sortiront-elles ?
L'histoire ne nous le dit pas... elle nous laisse juste entrevoir et imaginer la suite et le lecteur sort de ce roman-récit de vie, plein d'espoir.
En effet, au delà des clichés véhiculés sur les enfants d'immigrés, on ne peut s'empêcher de leur souhaiter à toutes deux tous les bonheurs du monde.
Car j'en ai rencontré de ces ados en LEP et je sais qu'aujoud'hui, je ne regrette pas de leur avoir à l'époque fait confiance et je ne doute pas un seul instant qu'ils (ou elles) soient tous (ou toutes) ou presque devenu(e)s des adultes formidables.
A ne pas oublier !