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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

L'envol du héron de Katharina Hagena

 

Ellen vit à Hambourg avec Orla, sa fille âgée de 17 ans. Elle est somnologue (=spécialiste du sommeil) mais depuis peu elle aussi ne dort pas. Combien de temps va-t-elle pouvoir tenir ?

Ce jour-là,  il lui a semblé voir Andréas, son ami d'enfance. C'est suffisant pour que la nuit venue, au lieu de dormir, elle se rappelle son enfance à Grund, petite bourgade près de Karlruhe, sur les bords du Rhin où elle a passé toute son enfance, entre promenades dans les bois, parties de pêche et baignades dans le lac.

 

C'est là aussi qu'elle est venue se réfugier avec sa fille lorsqu'elle a quitté l'Irlande...Orla avait alors 14 ans et Ellen avait décidé de quitter Declan qui n'est pas le père biologique d'Orla, mais qu'elle a connu enceinte et avec qui elle a vécu de longues années. Orla était très attachée à Declan. Lui était un "type bien", un artiste, un musicien, un père d'adoption aimant pour Orla, mais volage et immature...La jalousie était là et d'autres problèmes aussi que le lecteur découvre petit à petit, par petites touches, comme une araignée tisse peu à peu sa toile.

 

À cette époque, Joachim, le père d'Ellen vivait seul chez lui car Heidrun, sa mère était dans un foyer médicalisé, dans le coma suite à un accident cérébral...

Ellen se rappelle longuement pendant sa nuit d'insomnie, la lente agonie de sa mère et comment peu à peu, elle a sombré du sommeil au coma, puis du coma vers la mort. Elle se rappelle aussi les jours heureux, les petits travers de ses parents, le manque de dialogue avec sa mère, les secrets qu'elles pressentaient enfant...et qui n'ont jamais été dévoilés.

 

À Grund, pour s'occuper, son père avait organisé une chorale.  C'est là qu'Ellen a fait la connaissance de Benno...et de Marthe. Andreas aussi venait à la chorale ainsi qu'Orla pour faire plaisir à son grand-père. A cette époque cela faisait longtemps qu'Andreas pourtant avait cessé de parler. Il collectionnait les lettres et les bouts de papier, connaissait tout (ou presque) de la vie des gens mais ne leur parlait pas et, le lecteur comprend qu'il veillait sur la vie d'Ellen et d'Orla.

 

Benno était son patient à l'école du sommeil qu'elle avait créée : il était somnambule. Il a été surpris de la voir là, à la chorale, et puis plus tard, il est devenu son amant.  Pourtant ils n'ont jamais passé une nuit ensemble dans un lit. Il faisait des recherches historiques pour sa thèse, sur la mystérieuse disparition d'un soldat allemand dans la forêt et s'est éloigné de plus en plus d'Ellen et de la vie réelle.

Elle vient de le quitter et Marthe a disparu. Ellen a l'habitude des disparitions subites, déjà, il y a 17 ans, Lutz, son amoureux, a disparu alors qu'elle était enceinte d'Orla : c'est pour ça qu'elle a tout quitté pour l'Irlande. Elle ne s'est jamais vraiment remise de son départ inexpliqué. Certes, il n'était pas content qu'elle soit enceinte mais quand même...

 

Peu à peu le lecteur entre dans l'histoire des trois principaux personnages : Ellen, la narratrice, Andréas, son ami d'enfance, et Marthe. Tous trois sont liés, sans le savoir, par un tragique secret.

 

Dans ce roman original par sa construction, les disparitions mystérieuses, les souvenirs heureux s'emmêlent comme les fils d'une toile araignée, comme les pensées quand on ne dort pas et les souvenirs qui remontent à la surface et dont on ne peut maîtriser l'ordre d'arrivée...

 

Le récit d'Ellen alterne avec les pages d'un journal intime, celui de Marthe qui écrit le journal de la chorale. Ce journal va devenir peu à peu le sien.

Le lecteur va apprendre le secret que cache cette étrange vieille femme au coeur brisé par la mystérieuse disparition de son fils et qui n'a jamais renoncé à le chercher...

Ce fils, c'est Lutz, le père d'Orla, mais personne, à Grund, à part Andréas, ne la (re)connaît car à l'époque, Lutz passait l'été ici avec son père et vivait chez Marthe en dehors des vacances. Ils étaient divorcés mais lorsque le père de Lutz est tombé malade, elle est revenu à Grund pour le soigner jusqu'à son dernier jour et Andreas, grâce au courrier a tout de suite su qui elle était.

 

Tous les personnages ont donc du mal à faire leur deuil d'un être cher disparu...Ils vivent avec la peur d'être à nouveau abandonnés ce qui donne un ton très sombre au roman.

La fin, qui devient prévisible au fil du texte nous réservera cependant encore des surprises...jusqu'au drame inévitable.

 

C'est un très beau roman merveilleusement bien écrit, mais si triste et si peu optimiste qu'il reste difficile à lire. Il aborde, il est vrai, des thèmes difficiles comme l'abandon (dans le sommeil aussi il faut s'abandonner), le deuil, la disparition, les relations mère-fille.

 

D'autre part la présence constante de la nature, de l'eau du lac ou du fleuve, de la forêt et des animaux, donne une ambiance douce et poétique et apporte une certaine quiétude à l'ensemble. Les hérons gris (symboles de résurrection et de bonnes nouvelles pour les Égyptiens) sont présentés ici comme des oiseaux messagers de mort.

L'atmosphère n'est donc pas oppressante.

 

À la fin le lecteur, prit dans une toile d'araignée et bercé par la poésie des mots, réussit à aller jusqu'au bout de la nuit d'insomnie d'Ellen et apprend, enfin, la vérité.

Mais ce ne sera pas le cas d'Ellen qui en perd le sommeil, pensant à juste titre, qu'elle a raté quelque chose, mais elle se sait pas quoi et ne le saura jamais.

C'est bien dommage que le dialogue n'ait pas pu être rétabli entre les différents personnages. Cela aurait peut-être permis à tous de faire enfin leur deuil, de retrouver une vie heureuse et pour Ellen, le sommeil...

L'envol du héron de Katharina Hagena
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