Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
C'est incroyable la rapidité avec laquelle tout le monde s'est adapté à ces changements. J'imagine que c'est comme ça que les gens qui vivent par-delà la forêt s'étaient accoutumés à boire de l'eau en bouteille, à conduire sur des autoroutes bondées et à avoir affaire aux voix automatisées qui répondaient à tous leurs appels. A l'époque eux aussi ont pesté et se sont plaints, et bientôt se sont habitués, oubliant presque qu'ils avaient un jour vécu autrement.
Voilà aujourd'hui un roman d'anticipation que je voulais lire depuis longtemps, j'étais donc heureuse de le trouver en médiathèque. Paru en Amérique pour la première fois en 1996, il n'a été traduit en français qu'en 2017. Il faudra attendre l'année suivante pour qu'après la sortie du film éponyme (que je n'ai pas vu), on commence à parler de ce roman. Peut-être avez-vous vu le film ou lu le roman ?
Dans une Amérique post apocalyptique, quelque part en Caroline du Nord une famille vit isolée en plein cœur d'une forêt de sequoia. La mère ancienne danseuse et le père instituteur choisissent d'élever leurs filles sans les envoyer à l'école. Très vite, elles révèlent leur personnalité et se distinguent par leurs deux passions fort différentes : Eva, l'aînée, adore la danse comme sa mère et rêve d'intégrer de grandes écoles. Nell la plus jeune, préfère les études et les livres.
Mais la mère atteinte d'un cancer meurt laissant la famille profondément meurtrie et démunie. Quelques temps après, le père est victime d'un terrible accident et les abandonne à son tour.
Les filles quoique encore adolescentes ne sont pas totalement démunies face à la vie quotidienne. Depuis des mois déjà, la situation dans le pays s'était sérieusement détériorée et elle était devenue totalement désespérée peu de temps avant l'accident de leur père. A présent, l'essence et les vivres manquent, les maladies déciment la population qui n'arrive plus à se soigner, faute de médecins et de médicaments, il n'y a plus du tout d'électricité et tous trois avaient renoncé depuis longtemps à descendre en ville pour ne s'occuper que de leur vie quotidienne.
Pas d'électricité, donc impossible de danser en musique pour Eva qui voit peu à peu ses rêves de devenir un jour danseuse, s'éloigner de plus en plus, malgré ses entrainements quotidiens. Plus de médiathèque pour Nell, ni d'informatique, puisque tout est fermé à présent. Elle se rabat alors sur l'encyclopédie et les livres de sa mère. Elle sait qu'elle n'intègrera jamais l'université d'Harvard dont elle rêvait.
Ils étaient cependant très proches et n'ont survécu que grâce à leurs propres provisions et aux conserves élaborées durant l'été à partir de leur verger et de leur jardin potager. Les deux soeurs ne sont donc pas prises au dépourvu, mais elles ne devront à présent compter que sur elles-mêmes pour survivre...
Après le décès de leur père, alors qu'elles sont âgées de 17 et 18 ans, elles passent quelques semaines complètement perdues mais elle vont devoir très vite réagir, apprendre à se débrouiller toutes seules et à renoncer aux quelques personnes qu'elles ont pu côtoyer en soirée lors de leurs brèves apparitions dans la ville proche de Redwood City. Pourtant une rumeur les invite à partir vers l'est, là-bas la vie serait comme avant. Mais comment en être certaines...
Pendant longtemps nous avons travaillé en silence, remplissant nos sacs en toile et nos taies d'oreiller. Lorsque le soleil a été au zénith, tous nos récipients étaient bourrés de glands. Adossées contre le tronc du chêne sous lequel nous avions trimé, nous avons mangé des oeufs durs et des pommes, en contemplant les collines silencieuses, desséchées par le soleil
- On est peut-être les deux dernières personnes sur terre, a dit Eva d'une voix qui ne traduisait ni peur ni tristesse.
J'ai hoché la tête un peu rêveusement, et j'ai répondu sur le même ton :
- Oui, peut-être.
Voilà un roman à la fois dystopique, d'initiation, d'aventure et une fable écologique qui nous interroge sur la société de consommation dans laquelle nous vivons où il suffit souvent de tendre la main pour avoir tout ce que l'on veut immédiatement ou presque. Il nous interroge sur notre dépendance à l'informatique et à l'électricité en général. Il est considéré comme un roman féministe et je l'avoue, je ne comprend pas vraiment pourquoi. Je pense que c'est peut-être parce qu'il est de bon ton de penser que seuls des hommes pourraient survivre dans des conditions de vie extrêmes telles qu'elles sont décrites dans ce roman. Or nos deux héroïnes sont des jeunes femmes.
L'auteur a beaucoup de finesse psychologique pour nous parler des relations intrafamiliales en milieu clos. Il est difficile pour les deux soeurs de se retrouver seules et de ne compter que sur elles-mêmes. Il y a des pages superbes sur leurs relations, leur capacité à s'aimer, à s'entraider, à se prouver que leur lien est le plus fort, même si des disputes et des incompréhensions les attendent.
La narration est présentée comme un faux journal intime écrit par Nell. C'est donc elle la plus jeune qui rend compte de leur histoire familiale au coeur de la forêt.
Bien entendu, vous vous en doutez, le thème central est la survie avec les moyens du bord et donc le roman nous questionne sur nos rapports avec la nature, ce que nous savons de son équilibre, de ses ressources, ce que nous ferions dans tel ou tel cas, si nous devions demain nous retrouver seuls sans lien avec la vie moderne.
Personne en effet n'a montré aux filles comment survivre, quelles plantes consommer, lesquelles sont toxiques, lesquelles soignent, comment chasser pour manger et il leur faudra bien faire leurs propres expériences à ce sujet.
C'est un excellent roman très prenant que j'ai beaucoup aimé et qui nous tient en haleine jusqu'au bout...même si la plupart des événements font froid dans le dos tant ils paraissent probables, ce n'est ni un livre pessimiste, ni un livre triste.
Une belle lecture à découvrir !
Bon weekend de Pâques à tous...pour ma part je vous dis à mardi.