Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Commençons ce mois d'octobre en douceur avec ce témoignage émouvant.
Vous le savez, c'est rare à présent que je fréquente les salles obscures uniquement parce que c'est compliqué pour moi d'aller en ville, faire des kilomètres, trouver un parking, j'en ai rarement envie le soir et dans la journée, j'aime avant tout profiter de l'extérieur, marcher, sentir la nature autour de moi. Quand nous étions jeunes, nous avions un abonnement dans un cinéma d'Art et d'Essai de la région entre autre. Bref, les années passent et les temps changent, mais quand le cinéma vient à moi je ne dis pas non.
C'est ainsi que cet été, un moyen métrage documentaire était en tournée dans les villes et villages de Haute-Loire et je n'ai pas hésité une seconde à aller le voir. D'ailleurs je n'étais pas seule, la petite salle des fêtes était comble.
La projection avait lieu à l'initiative de l'Association pour le Maintien et la Sauvegarde du Patrimoine de Saint-Privat d'Allier dont je vous parlerai bientôt plus en détails (voir leur site ICI), et se produisait en présence des deux réalisateurs, deux jeunes personnes originaires, l'une Léa Rossignol, du Puy-de-Dôme, et l'autre Pierrick Laurent, de la région de Saugues où était tourné le film.
Ce film documentaire retrace le parcours de trois femmes paysannes : Marie-Louise, 82 ans, retraitée et veuve à présent, exploitante vivrière depuis son mariage dans la région de Saugues, Pascale 55 ans éleveuse de bovins sur le Plateau de la Margeride et Annelise 30 ans, à la fois paysanne, meunière, boulangère et herboriste dans la plaine de la Limagne. Elles ont choisi chacune à leur manière de s'occuper de la terre et partagent le même amour pour leur métier, un métier qui "a du sens" disent-elles loin des tumultes de la ville et de la rentabilité à tout prix.
Ayant trois âges différents, elles représentent trois générations de femmes, à trois périodes essentielles de leur vie, et portent un regard réaliste sur leur quotidien. Elles disent ce que ce métier représente pour elle et ne cachent rien des contraintes du quotidien : composer entre leur activité et leur vie personnelle, s'adapter au monde d'aujourd'hui, et à la nécessité d'une certaine rentabilité pour s'en sortir financièrement, lutter contre l'isolement et la solitude, tout en conservant leur âme, leur âme auvergnate et leur âme de femme paysanne.
Tout est réel et authentique dans leurs paroles, leurs joies comme leurs peines, leurs espoirs, leurs déceptions, leurs projets. Leur récit est simple mais poignant, ce sont de belles personnes qui ont un idéal de vie et l'ont mis en pratique avec sincérité. Certes, la vie paysanne est rude et difficile sur le plateau de Saugues où a eu lieu le tournage, mais c'est aussi de beauté et de poésie que nous parle ce film tout comme d'amour et de respect pour la terre qui nous accueille et pour cette région de Haute-Loire à laquelle elles sont très attachées.
Le témoignage de ces femmes paysannes a beaucoup intéressé et touché les spectateurs, le silence dans la salle en était le révélateur, l'émotion était palpable, et le film a été longuement applaudi. Ce sont des personnes tellement simples et lumineuses !
Le film est très humain, poignant mais jamais triste. Elles sont toutes trois différentes : Marie-Louise m'a touché par son humour et sa philosophie ; Pascale par sa sensibilité et son combat pour être acceptée en tant que femme dans ce milieu d'homme, en plus elle ne venait pas d'un milieu paysan ; Anne-Lise par son idéalisme, la fraicheur de sa jeunesse et son optimisme.
Les magnifiques images de paysages, de la flore, des animaux ont enchanté les spectateurs qui pourtant, à part les touristes présents, connaissaient tous parfaitement bien la région. Beaucoup de poésie et de beauté se dégagent de ces images mais aussi de leurs propos.
Le débat qui a suivi était riche en échanges. Savoir comment ces deux jeunes réalisateurs ont conçu ce film, comment ils ont vécu pendant un an à Saugues pour suivre de près la vie de ces trois femmes et qu'elles oublient la caméra, rend ce film encore plus précieux.
Bravo à ces deux jeunes réalisateurs pour le message qu'ils ont transmis à travers les images et le montage astucieux de ce film qui est construit pour toucher et faire réfléchir les spectateurs car, ni les douloureux sujets d'actualité, ni les doutes et les difficultés du quotidien ne sont occultés dans leur propos.
Tous deux ont de l'avenir car c'est un témoignage formidable de l'évolution de la vie paysanne depuis 50 ans, un message d'espoir à la fois d’hier et d’aujourd’hui, intemporel, qui montre qu'une autre vie est possible pour ces exploitations à échelle humaine, plutôt que cette course incessante au profit à laquelle nous assistons, qu'un élevage respectueux des animaux est possible, loin de l'élevage intensif qui se développe en Europe.
Un bel avenir est prévisible pour ces deux jeunes réalisateurs qui ont en projet d'éditer un livre/DVD. Un film à voir s'il passe près de chez vous.