Où se perdent les hommes / René Frégni

Voici aujourd'hui, un roman de René Frégni que j'avais déjà lu mais dont je ne me souvenais pas vraiment, je le reconnais. 

Ralph le narrateur est un écrivain qui a du mal à trouver un éditeur ce qui l'angoisse beaucoup. Il n'en peut plus de recevoir des lettres de refus et finit par ne lire que la dernière ligne avant de les jeter à la poubelle. Il s'est séparé depuis peu de Laura, sa compagne qui a ouvert un petit restaurant dont il aperçoit la terrasse de chez lui, avec des jumelles.

Pour gagner sa vie, il travaille à mettre au propre des rapports psychiatriques concernant les détenus des Beaumettes et, pour se sentir utile, il anime dans la même prison, un atelier d'écriture. 

Un jour un étrange détenu se présente et écoute la séance sans dire un mot ni participer aucunement. Il s'appelle Gabriel Bove. Bien qu'il n'en ait pas le droit, Ralph se renseigne sur lui et se lie d'amitié avec un des gardiens qui finit par accepter que Ralph se rende dans la cellule de Bove. Ce dernier en effet, depuis trois ans qu'il est emprisonné, n'a pas un seul jour voulu en sortir, ni pour la promenade, ni pour autre chose. 

Condamné à 18 ans de prison pour avoir assassiné sa femme, Mathilde, il est considéré comme "dérangé" par les psychiatres. Il partage en effet sa cellule avec elle, en fantasme, comme si elle était toujours là près de lui. Il lui parle, partage ses repas en dressant la table pour deux, lui réservant les meilleurs morceaux. Il peint son portrait partout sur des étagères, sur des toiles que lui porte Ralph en cachette, et aussi  sur les murs de la cellule. C'est un artiste doué et ses représentations sont magnifiques. Mais un jour, sans que personne ne le prévoit, il tente de se suicider. 

Ralph n'a alors qu'une obsession, le faire évader... 

Voilà un roman qui démarre dans le calme et devient un roman noir au fil des pages. Il est court, 180 pages à peine et se lit très vite. 

Il nous permet d'entrer dans l'univers carcéral tel que l'auteur l'a connu en animant lui-même des ateliers d'écriture. Le silence, le bruit des portes qui se ferment, les miradors et les barbelées, les lumières qui toute la nuit, éclairent les façades empêchant les détenus de dormir...tout est décrit avec réalisme. 

L'auteur nous décrit aussi le quotidien des détenus, leurs rêves, leur détresse...la solitude qui fait mal. 

Les détenus ont chacun leur histoire. Ils savent qu'ils bénéficieront de remises de peine s'ils participent à ces ateliers d'écriture et se comportent bien. Ralph s'attache beaucoup à eux. Ce qu'ils écrivent est émouvant et les relations que Ralph entretient avec eux, même s'il ne s'agit pas d'amitié, sont tout de même très humaines et faites de beaucoup de complicité.

Le lecteur entre dans la vie intime de Ralph, passe de l'intérieur de la prison à la vie à l'extérieur avec lui. Et par contraste, cette vie à l'extérieur, malgré la solitude, les visites à son père en maison de retraite, la nostalgie des jours heureux, semble encore plus douce que ce qu'elle est vraiment.

Le suspense va crescendo, l'atmosphère devient assez pesante et le lecteur va s'apercevoir que parfois, la prison n'est pas seulement dans les murs d'une cellule.

J'aurais aimé que la personnalité de Ralph soit davantage approfondie, pour mieux comprendre la fascination que Bove exerce sur lui, et pourquoi il en est arrivé à perdre le contrôle de sa propre vie. C'est mon seul "petit" bémol à ce roman prenant. 

Une belle relecture de cet auteur que décidément j'aime beaucoup !