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Cela fait longtemps que je voulais vous parler de l'artisou.
Sans doute le connaissez-vous au moins de nom ? Il s'agit d'un fromage qui fait partie du patrimoine du Velay (région sud du département de la Haute-Loire). On l'appelle d'ailleurs là-bas, le "Velay", ou tout simplement "fromage de pays" quand on est chauvin, car il est l'emblème de la région.
Il s'agit d'un fromage au lait cru, toujours de vache, et exclusivement fermier ce qui explique qu'il diffère en aspect et en goût d'une ferme à l'autre.
Tout réside dans sa fabrication traditionnelle bien entendu, comme c'est le cas de tous les fromages.
On utilise toujours le lait de la veille que l'on peut ainsi écrémer en partie et laisser reposer à température ambiante. Le lendemain, il sera mélangé avec celui, entier, résultant de la traite du matin. Une certaine quantité de présure est ajouté à la préparation puis, moulage, égouttage...et salage léger comme pour la plupart des fromages à pâte non cuite et non pressée.
Le fromage est ensuite mis à sécher pendant 2 à 4 jours.
On le range alors sur des claies, afin de l'affiner et c'est là que se joue la différence entre ce fromage-ci et les autres : les claies doivent être obligatoirement en peuplier.
Il n'existe qu'une seule raison à cela et je sens que je vais en dégoûter certains, c'est que le bois de peuplier est propice à la prolifération d'une toute petite bébête que l'on peut à peine voir à l'œil nu et qui s'appelle l'artisou dans le Velay d'où vous le devinez maintenant le nom donné au fromage.
L'artisou va s'installer sur la croûte du fromage, se développer très vite, donc se reproduire, et permettre ainsi au fromage de prendre ce goût et cette texture inimitable. L'affinage dure au moins trois semaines et jusqu'à deux mois pour les connaisseurs.
Le fromage se garde très longtemps et comme vous le voyez tout est réalisé à la main.
L'artisou fait partie de la famille des acariens. On l'appelle aussi en français l'artison, ou "ciron de la farine". Il est à peine visible à l'œil nu et jusqu'à l'invention du microscope durant la seconde partie du 17e siècle, on le considérait comme le plus petit animal connu. Il ne mesure en effet que de 0.32 à 0.65 mm de long.
Il peut s'attaquer en dehors des fromages, aux toisons et aux réserves de céréales. Il peut vivre jusqu'à trois mois si les conditions d'humidité (entre 70 et 80%), de nourriture et de chaleur (plus de 24 °) sont réunies. A l'inverse, si les conditions ne sont pas réunies, l'acarien est capable de se mettre en diapause, puis il reprendra son activité quand tout rentrera dans l'ordre.
Ce fromage fait partie du patrimoine culinaire de la région. Les premiers écrits qui en parlent dateraient du 14e siècle. Les artisans sont en attente d'une AOP et se sont réunis pour mettre en valeur ce produit que leurs ancêtres fabriquaient déjà de manière quasiment identique à aujourd'hui.
Bien entendu, il faut rappeler que le lait du Velay a une richesse particulière en magnésium, liée aux pâturages poussant sur les sols volcaniques du plateau du Devès, entre autres terroirs, ce qui donne un goût particulier au fromage.
Sur les marchés, les producteurs sont nombreux et vous n'aurez que l'embarras du choix. Ceux qui ont fait le chemin de Saint-Jacques en ont forcément goûté un jour, lors des premières étapes au départ du Puy-en-Velay.
Les fromages, représentés sur mes photos, proviennent de trois lieux différents : d'une ferme du Velay proche de mon lieu de vacances (fromage aux artisous offert en cadeau par mes gentils voisins), de la sélection de fromages de la Boucherie Chabanon de Saint-Privat-d'Allier (dont le jeune propriétaire, Michael, déjà sacré meilleur ouvrier de France et champion d'Europe, est devenu depuis septembre 2022, champion du monde de boucherie dans la catégorie préparation-innovation ; il possède aussi une boutique au Puy-en-Velay et fait la fierté de toute la région), et d'une productrice présente chaque semaine sur le marché de Saugues.
J'espère que cet article vous a plu.
Prochainement, nous allons encore rester un peu en Haute-Loire, enfin, comme d'habitude... si vous le voulez bien !