Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Contrairement à ce que croyait Maeve, je pensais très peu à notre mère quand j'étais petit. Je ne la connaissais pas, et je trouvais ça dur, de regretter une personne ou une époque que j'avais oubliées. La famille à laquelle elle m'avait abandonné_une cuisinière, une gouvernante, une sœur aimante et un père distant_ fonctionnait à mon avantage...
Pourtant, le jour de l'enterrement de mon père, j'étais obsédé par ma mère, et je désirais tellement qu'elle me console que cela me causait une douleur insoupçonnée.
Il y a peu d'occasions dans la vie où il arrive qu'on fasse un bond, et que le passé qui avait été notre socle s'écroule, tandis que l'avenir sur lequel on voudrait atterrir n'est pas encore en place. Pendant un moment, on demeure suspendu, sans rien connaître, ni personne, pas même soi.
Voilà un auteur dont j'ai beaucoup entendu parler dans la blogosphère et que je n'avais encore jamais lu. Il était temps car je me suis régalée en découvrant son écriture.
Le personnage principal de ce roman est une maison, située dans la banlieue de Philadelphie, construite dans les années 20 par un couple de Hollandais, les VanHoebeeck. Ceux-ci avaient fait fortune durant la Première guerre mondiale en vendant des cigarettes. Mais la Grande dépression est passée par là, les obligeant à vendre la plupart des terres.
Cette maison dite "des Hollandais" ne passe pas inaperçue car elle n'est pas du tout dans le style de la région. Elle a été étrangement décorée et les portraits du couple de hollandais, règnent toujours en maître dans le salon. Les hauts plafonds et les escaliers sont particulièrement impressionnants, les baies vitrées au rez-de-chaussée donnent l'impression que la maison est traversée de part en part par la lumière. Enfin, entourée d'un grand parc c'est une maison bourgeoise auréolée de mystère !
Un jour, la famille Conroy si installe. Cyril, le père, a voulu faire une surprise à sa femme en en faisant l'acquisition en cachette.
Alors qu'ils avaient été longtemps pauvres, il a réussi à s'enrichir dans l'immobilier. Il a cependant acquis la maison pour une somme raisonnable, à la mort de la dernière survivante de la famille hollandaise. Mais sa femme, Elna, ne s'y plait pas. Elle ne se sent pas chez elle au milieu de cette décoration d'un autre âge, des portraits des anciens habitants, des plafonds peints, des fenêtres hautes et des trois étages dont au sommet une véritable salle de bal.
Un jour...elle disparait pour partir en Inde aider les plus pauvres, abandonnant les siens sans leur dire au revoir. Le lecteur apprendra à la fin les véritables raisons de son départ.
Maeve et Danny, les enfants Conroy, sont très entourés par les deux domestiques, Sandy et Jocelyn, deux sœurs qui font tout pour leur faire oublier le départ de leur mère.
Mais le père n'explique rien, ils vivent tous sans réellement se parler. Maeve tombe malade et devient diabétique tandis que Danny, plus jeune, ne comprend pas pourquoi sa mère les a quittés. Heureusement sa sœur et lui sont toujours très proches, elle joue pour lui le rôle d'une petite maman, lui raconte des histoires, accepte qu'il se glisse dans son lit la nuit, quand il a peur.
Mais un jour, le père refait sa vie avec Andréa et celle-ci vient s'installer avec ses deux petites filles. Elle, elle adore la maison !
Andréa est une véritable belle-mère, désagréable et distante avec les enfants de Cyril, qui peu à peu se retrouvent bien seuls. Entre un père distant et une belle-mère qui privilégie ses propres enfants, la vie n'est pas rose pour Maeve et Danny.
A la mort du père, Andrea met carrément les enfants devenus grands dehors, et en plus en toute légalité, car le père n'avait pas vu venir ou n'avait pas voulu voir, le côté intéressé d'Andrea pour cette maison et leur accord déshérite ses enfants.
Encore plus unis par cette épreuve, tous deux vont alors devenir totalement obsédés par la maison au point de revenir sans cesse se poster dans la rue, bien cachés dans leur voiture pour observer LEUR maison...et parler du passé, un passé dont ils n'arrivent pas à se défaire et qui pèse lourdement sur leur présent et leur vie privée...
Je me suis souvenu de ce que mon père m'avait dit, qu'il fallait arrêter de penser aux choses qui ne dépendaient pas de nous. J'ai essayé et j'ai trouvé ça plus facile que prévu.
Le fait que je n'aie jamais eu aucune envie de devenir médecin représentait seulement la note en bas de page d'une histoire qui n'intéressait personne. Il parait inimaginable que quelqu'un puisse réussir des études aussi difficiles que celles de médecine sans en avoir vraiment envie...
Nous répondions aux attentes qui avaient été placées en nous.
C'est un roman captivant qui se déroule sur une cinquantaine d'années environ. Le récit alterne passé et présent et il faut donc suivre l'action, mais je vous rassure on ne se perd pas, on avance élément par élément, comme pour réaliser un puzzle géant. Le mystère qui règne autour de la maison, en tant que bâtisse, les secrets de famille, les non-dits, tout cela rend la lecture de ce livre encore plus prenante.
Le roman débute quand le père seul depuis un certain temps puisque la mère de Danny et de Maeve est partie en Inde, leur présente Andréa pour la première fois. Elle deviendra plus tard leur belle-mère. C'est une époque où les enfants n'étaient jamais au courant de rien les concernant. Ils apprenaient ou comprenaient les choses une fois qu'elles avaient eu lieu.
Ainsi ne sont-ils pas au courant de la liaison entre leur père et Andrea, ni du fait que cette dernière a deux petites filles plus jeunes qu'eux, ni des accords financiers qu'ils feront entre eux et qui les déshériteront de la maison.
Danny, le narrateur prend la parole pour nous présenter sa famille, sa maison et la vie qui a suivi le départ de leur mère (il n'avait alors que trois ans), puis la prise de contrôle de leur belle-mère. Il est né dans cette maison mais découvre peu à peu qu'il ne connait rien du tout à l'histoire familiale, son père étant particulièrement taiseux. Ce qu'il sait c'est ce dont il se souvient. Le lecteur va découvrir en même temps que lui certains éléments de l'histoire familiale, qu'enfant il n'avait pas compris. Il y a donc de nombreux rebondissements au fur et à mesure qu'il pose des questions à sa sœur ou à son entourage...et qu'il obtient des réponses.
Malgré cela, ne vous attendez pas à de l'action, tout est dans la manière de narrer l'histoire et dans le personnage de Danny, tellement attachant dans sa façon de raconter, dans les nombreux dialogues.
L'auteur fait une étude toute en finesse et emplie de sensibilité des personnages, de leurs multiples facettes, et du côté positif ou négatif de leur personnalité. Il étudie avec réalisme et humanité la manière dont les deux enfants ont ressenti l'absence et l'abandon de leur mère, le silence du père.
J'ai trouvé très belle la relation entre Maeve et Danny. Ils sont inséparables ! Ils se sont promis au fond d'eux-mêmes, de toujours veiller l'un sur l'autre et même si ce n'est pas très sain pour l'un comme pour l'autre quand ils grandissent, ils ne remettent pas en question leur promesse. Mais j'ai trouvé que Maeve par désir de vengeance avait une emprise sur son jeune frère qui l'étouffait à la longue. L'auteur nous fait comprendre avec justesse à quel point ces liens qui les unissent deviennent lourds à porter et ne leur permettent pas de se défaire de ce passé douloureux pour vivre leur propre vie d'aujourd'hui. Je n'en dirai pas plus pour vous laisser découvrir les détails de l'histoire.
Le roman aborde donc le douloureux sujet des traumatismes de l'enfance et des secrets de famille qui les entourent. Les malentendus, les non-dits et l'absence de relation entre le père et les enfants nous donnent une sensation de gâchis.
Mais pour l'auteur, tout cela n'est que prétexte à aller plus loin, à analyser les relations familiales avec précision et finesse, à montrer le côté pervers de l'attachement excessif, celui du désir de vengeance qui empoisonne la vie réelle mais aussi, en nous contant cette histoire, elle nous questionne sur notre faculté à pardonner...
Grandir avec une mère qui s'est enfuie en Inde, sans plus jamais donner de ses nouvelles, c'était quelque chose_ça implique un deuil, une sorte de mort. Mais découvrir qu'elle se trouvait à quinze arrêts sur la ligne 1 direction Canal Street, et qu'elle n'avait pas repris contact, c'était carrément barbare.
Toutes les notions romantiques que mon cœur avait pu abriter, toutes les excuses ou statues d'exception qu'il lui avait accordés ont été soufflées aussi vite qu'une allumette.