Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La montagne, immobile par nature, est un mobile. C'est exactement ça : elle attire à elle. Chacun a ses propres raisons d'y aller. La mienne est de tourner le dos à tout, de prendre de la distance. Je rejette le monde entier derrière moi. Je me déplace dans un espace vide et aussi un temps vide. Je vois comment était le monde sans nous, comment il sera après...
Vous vous trompez sur le passé, il ne reste pas intact. Le temps est une lèpre qui le fait tomber par petits bouts.
Quelque part dans les Dolomites, un homme est retrouvé en contrebas dans le ravin. Le sentier sur la vire de Bandiarac semble s'être écroulé sous ses pieds. Un autre homme, qui le suivait depuis le matin, donne l'alerte mais il est trop tard. Il va être immédiatement soupçonné. Les deux hommes en effet se sont connus dans le passé. Ils ont appartenu au même groupe révolutionnaire, il y a plus de quarante ans. Le premier a trahi et "donné" tout le groupe, le second a souffert en prison ainsi que tous ses proches.
L'a-t-il poussé dans le ravin pour se venger ?
Pourquoi se trouvaient-ils tous deux au même endroit, dans la même vallée, au même moment ?
Il s'agit d'une impossible coïncidence d'après le jeune magistrat chargé de l'enquête !
Dans un interrogatoire serré entre ce dernier, désirant coûte que coûte obtenir des aveux et l'accusé, vieil homme solitaire amoureux de la montagne, le lecteur va découvrir peu à peu l'histoire des années de plomb en Italie, l'importance de l'amitié, de la loyauté et des valeurs partagées, l'engagement politique et la fougue de la jeunesse, et la douloureuse expérience de la trahison d'un ami d'enfance.
C'est un roman court mais intense qui donne à réfléchir sur les différentes conceptions de la justice qu'il aborde. Les interrogatoires (sous forme de questions-réponses) sont entrecoupés de lettres (non envoyées) que l'accusé écrit à une femme aimée...
Les dialogues entre le jeune magistrat et le vieil homme sont empreints de respect mutuel et de réflexions philosophiques qui constituent tout l'intérêt de ce roman, qui se lit vite mais que l'on a aussitôt envie de relire pour redécouvrir certains passages très forts.
Si les questions posées par le magistrat témoignent au début du roman d'une certaine froideur de sa part, l'intérêt qu'il porte au vieil homme évolue dans le temps, gagne en intensité et en profondeur, au fur et à mesure de leurs rencontres...transformant le simple interrogatoire en un échange profond et intense.
Passionné par la montagne, alpiniste lui-même et homme engagé en politique, Erri de Luca nous fait encore une fois partager sa passion pour les hauts sommets et leur découverte en solitaire, mais aussi pour l'histoire de son pays natal, l'Italie.
Un roman que j'ai aimé découvrir et que j'ai lu avec grand plaisir !
Vous pouvez aller lire l'avis enthousiaste de Zazy ICI et celui plus mitigé d'Hélène ICI.
Ammoremio, une autre lettre s'ajoute à celles non expédiées. Je reste en isolement, ainsi il n'y a aucune possibilité de recevoir des visites. Je n'en souhaite pas, pas plus que des lettres. C'est un lieu pour hommes seuls, un couloir de cellules individuelles, de monastère, sans prières. Les moines d'ici s'en remettent aux avocats, ce sont eux qui s'occupent des prières.
Je vais en montagne parce que c'est là-haut qu'est arrivé le bord de la terre. Sa frontière avec le ciel et l'univers se trouve là-haut, et alors, en grimpant je peux aller jusqu'au point où il n'y a plus rien à escalader. Je suis la terre jusqu'à l'endroit où elle s'est élevée et continue encore à s'élever. Car les montagnes grandissent...
...la vérité est au fond du puits. Si on se penche on voit le reflet du soleil ou de la lune. Mais, si on descend dans le puits, on ne trouve ni l'un, ni l'autre. On trouve la vérité. C'est ainsi...