Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Debout sur la digue, les yeux rivés sur le courant tumultueux de l'Oder, j'ai pris conscience que ce qui est en mouvement-en dépit des dangers- sera toujours meilleur que ce qui est immobile, et que le changement sera toujours quelque chose de plus noble que l'invariance ; car ce qui stagne est voué inévitablement à la dégénérescence, à la décomposition et, en fin de compte, au néant, alors que tout ce qui évolue saura durer, et même éternellement.
...lorsqu'on bouge, on n'a pas de temps pour ces méditations stériles. Voilà pourquoi, pour les gens qui voyagent, tout semble neuf, pur, vierge, et en un sens, immortel.
Ce livre n'est pas un véritable roman mais une sorte de récit de voyage étayé de lettres, de réflexions personnelles, de cartes anciennes.
L'auteur nous propose une succession de textes de différentes longueurs, parfois un paragraphe à peine, ou plusieurs pages, tous en rapport avec le thème du voyage, moderne ou pas, fictif ou pas.
Le titre fait référence à une secte, "les pérégrins", qui sévissait en Russie et qui poussait les hommes à ne pas rester au même endroit sous peine de devenir plus vulnérables aux attaques du Mal.
Le lecteur est invité à suivre l'auteur dans un aéroport, une gare, dans un musée, dans une salle d'attente...là, il va pouvoir observer sans voyeurisme les passagers. Il découvre alors des personnages discrets ou hauts en couleurs, des gens ordinaires ou pas, des mères de famille, des voyageurs qui ont fait le tour du monde ou pas, des conducteurs qui font toujours le même trajet quotidien... Tous ont un jour envie de rompre avec la routine, de retrouver leur liberté, de vivre d'autres situations plus exaltantes.
J'ai rêvé que je regardais d'en-haut des villes établies au fond de vallées et sur les pentes de montagnes. D'où j'étais, je voyais nettement que ces villes étaient, en fait, des troncs d'arbres sectionnés qui avaient dû être gigantesques autrefois, sans doute des séquoias géants ou des ginkgos. Et je me demandais qu'elle taille pouvaient bien avoir ces arbres pour que des villes entières puissent se tenir dans leurs troncs...
La narratrice (l'auteur donc) nous emmène à la rencontre de l'autre, car c'est le but du voyage, n'est-ce pas... d'aller à la rencontre d'un autre "voyageur", puis de soi-même. Ce faisant, elle nous présente toute une galerie de personnages fictifs ou ayant réellement existés.
Parmi ceux ayant réellement existés, vous croiserez, Philip Verheyen qui, au XVIIe siècle a étudié l'anatomie sur sa propre jambe amputée et découvert le tendon d'Achille, celle de Ludwika, la sœur de Frederic Chopin qui, après la mort du compositeur, a transporté en cachette son cœur de Paris, à Varsovie...afin de placer l'urne dans la crypte de l'église Sainte-Croix de la ville, et bien d'autres personnages que je ne connaissais pas et que je n'ai pas réussi à identifier.
C'est un livre inclassable car il ne ressemble à aucun autre.
J'ai aimé la poésie qui se dégage de certains des textes et leur philosophie qui nous invite à méditer sur ces tranches de vie.
J'ai aimé l'humour avec lequel l'auteur décrit des situations réelles ou totalement improbables.
J'ai aimé découvrir la personnalité des différents personnages, les détails et l'ambiance qui nous permettent d'éprouver de l'empathie pour eux, dont nous partageons pour un court instant, la vie.
J'ai moins aimé, le fait qu'on ne puisse s'attacher à aucun d'eux en particulier, car le récit est trop bref pour cela.
D'ailleurs à la moitié du livre, j'ai cessé de découvrir ces textes en lecture linéaire, j'ai zappé d'un sujet à l'autre et j'ai préféré cette manière de le découvrir dans le désordre, à celle que j'avais effectuée au début de ma lecture.
J'ai eu envie de sauter certaines histoires qui ne m'ont pas du tout intéressées et donc je l'ai fait.
Je dirai donc que ce livre est un peu déroutant et que chacun des lecteurs doit trouver son propre mode de lecture pour le découvrir.
Il me donne cependant envie de connaître les autres œuvres de l'auteur traduites en français. A suivre donc...
Olga Tokarczuk est polonaise. Elle est née en 1962 et est aujourd'hui la romancière la plus célèbre de sa génération. Elle a reçu le Prix Niké qui est l'équivalent polonais du Goncourt, pour ce livre.
Elle a obtenu, en 2019, le Prix Nobel de Littérature 2018.
De retour à la maison, nous rangerons notre journal de bord bien rempli à côté des autres_peut-être dans une boîte remisée derrière l'armoire ou sur une étagère basse de notre table de travail ou encore dans notre meuble de chevet...
Ces carnets renferment les comptes-rendus de nos voyages précédents, les préparatifs du départ et les retours heureux.
Qui va lire tout ça ?