Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Comment se fait-il que parfois nous revenions vers des lectures de notre adolescence qui sont entre-temps devenues des classiques ?
C'est ce que j'ai eu envie de faire cet été, lorsque j'ai trouvé cette oeuvre dans une boîte à livres d'un petit village de Haute-Loire, je n'ai pas hésité une seule seconde. Pourtant je ne manquais pas de lectures apportées sous format papier dans ma valise, empruntées à la médiathèque numérique, ou téléchargées sur ma liseuse.
Et me voilà plongée à nouveau pour un grand moment de lecture-plaisir dans cette oeuvre romantique de Charlotte Brontë, lue déjà plusieurs fois pourtant, et avec toujours autant de plaisir !
...ce livre ne va pas être une autobiographie en bonne et due forme ; je ne suis tenue d'interroger ma mémoire que quand je suis sûre que ses réponses posséderont un certain intérêt...
Voici l'histoire pour celles (et ceux pourquoi pas !) qui ne la connaissent pas encore.
Jane n'a pas été gâtée par la vie. Devenue orpheline très jeune, elle est recueillie à Gateshead par son oncle qui à sa mort, fait promettre à sa femme qu'elle s'occupera d'elle comme si elle était sa propre fille. Or, vous vous en doutez, il n'en sera rien. Dès la mort de son époux, Mrs Reed écarte la petite fille de tous les plaisirs de son foyer. Elle ne la défend jamais quand John, son monstrueux fils, la harcèle et la maltraite, et gâte sa fille Georgiana sans penser qu'elle pourrait faire de même avec Jane. Un jour, alors que la petite fille tombe malade après avoir été enfermée par sa tante dans une pièce où elle a cru voir un fantôme, Lloyd, le médecin appelé en renfort, propose qu'on envoie la fillette dans une école afin de l'éloigner (pense-t-il tout bas) de cette famille malfaisante.
A Lowood, elle connaîtra des joies et des peines, et recevra une solide éducation chrétienne et une culture générale qui lui sera bien utile par la suite. L'établissement est insalubre, l'économe nourrit très mal les fillettes, ne chauffe pas suffisamment les dortoirs et les salles de vie, des épidémies surviennent et c'est durant l'une d'entre elles que Jane perdra sa seule amie, Helen. La vie était bien rude en ce temps-là...
Suivant l'exemple donné par son professeur Miss Temple, que la jeune fille admirait et par qui elle a été fortement encouragée, Jane devient enseignante dans cette école. Puis ayant besoin de changement, elle décide un jour de passer une annonce pour devenir gouvernante.
C'est ainsi qu'elle débarque à Thornfield, dans la vie de M. Rochester pour s'occuper de sa petite pupille.
Peu à peu, ce mystérieux et ombrageux personnage va se rapprocher de Jane jusqu'à la demander en mariage. Mais alors que le jour du mariage arrive, un mystérieux secret touchant celui qu'elle continue à considérer encore comme son "maître", est dévoilé au grand jour.
Jane s'enfuit...seule et sans argent.
La soirée n'était ni éclatante ni splendide, mais le temps était beau et doux ; les faneurs étaient à l'ouvrage tout le long du chemin ; et le ciel, s'il était loin d'être sans nuages, était tout de même assez prometteur pour l'avenir...
Je me sentis contente de voir la route se raccourcir sous mes pas ; si contente que je m'arrêtai un moment pour me demander que ce signifiait cette joie et pour rappeler à ma raison que ce n'était pas chez moi que je rentrais...
Il est vain de prétendre que les êtres humains doivent se satisfaire de la tranquillité ; il leur faut du mouvement ; et s'ils n'en trouvent pas, ils en créeront.
Bien évidemment, ne comptez pas sur moi si vous ne connaissez pas l'histoire pour vous raconter la suite, ni en quoi consiste ce secret bien gardé, ni ce que Jane va devenir par la suite, ni les personnes qui sur sa route vont l'aider, ou ce qui adviendra de sa vie.
Ce serait dommage de ne pas vous laisser le découvrir !
Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce roman osé pour l'époque car totalement anti-conformiste, est remarquable par l'analyse minutieuse qu'il fait des différents personnages, de leurs ressentis, et des différentes situations, ainsi que des solutions qui sont choisies par chacun d'entre eux pour continuer à vivre.
Jane a comme on dit un caractère bien trempé. Très jeune, elle se révolte contre sa condition d'opprimée, en tant que petite fille appartenant à une famille qui la rejette. C'est une enfant rebelle ! Plus tard, en tant que femme, désirant être libre et non soumise à un homme qui déciderait de tout à sa place, et la considérerait comme une pauvre petite chose fragile, elle surprend par l'énergie qu'elle met à être indépendante à tous prix. C'est avant tout une femme passionnée, mais lucide, prête à n'écouter que son cœur et bien décidée à ne pas remettre à plus tard la réalisation de ses rêves.
Les hommes apparaissent d'ailleurs souvent protecteurs, mais distants au point de ne jamais donner libre cours à leurs sentiments. Ils sont froids, calculateurs et font passer la raison avant les sentiments...
Mr Rochester est l'anti-héros par excellence, mal dans sa peau, n'aimant pas son physique. Et bien que tout l'oppose à Jane, leur histoire d'amour a conquis et fait rêver des générations de jeunes filles et de jeunes (et moins jeunes) femmes tant elle est universelle et proche du conte de fées.
C'est un roman indémodable car il est d'avant-garde par son côté "féministe"... Quand on pense qu'il a été écrit au XIXe siècle !
Il contient des passages proches du fantastique qui renforcent le côté mystérieux de l'histoire, et il aborde des sujets difficiles et toujours d'actualité, comme la folie et la honte qui va avec les familles touchées par ce "fléau", la maltraitance des orphelins ou des personnes mal-nées, le harcèlement moral et physique, les inégalités homme-femme, les rapports de classes, les croyances et les tabous, et enfin, la religion.
L'auteur a publié ce roman pour la première fois en 1847, sous le pseudonyme de Currer Bell. Le livre s'inspire de plusieurs épisodes de sa vie et il est donc en partie autobiographique. Il est paru en France pour la première fois en 1854, sous le titre "Jane Eyre ou les mémoires d'une institutrice".
Sa lecture me donne envie de me replonger durant l'hiver, dans la (re)découverte des romancières anglaises... et de, pourquoi pas, revoir aussi une des multiples versions de ce roman adaptées au cinéma.
J'étais dans ma chambre personnelle comme d'habitude : toute seule, sans changement manifeste ; rien ne m'avait frappée, ni endommagée, ni mutilée. Mais où était la Jane Eyre d'hier ? Où était sa vie ? Où était son avenir ?