Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
James Goodenough était un homme raisonnable, mais les pommes étaient sa faiblesse. Elles l'étaient depuis son enfance, quand sa mère le gâtait en lui donnant à croquer une pomme sucrée. Cette saveur était rare, car le sucre proprement dit coûtait cher...
...tout était prêt pour une journée de combat contre le Black Swamp. On vivait pas grâce à cette terre, non : on était en vie malgré elle. Cette terre cherchait à avoir notre peau., que ce soit avec les moustiques, la fièvre, la boue, l’humidité, la chaleur ou le froid.
En 1838, la famille Goodenough s’installe sur les terres hostiles et marécageuses du Black Swamp dans l’Ohio.
James, le père, tente d’y cultiver des pommiers, mais chaque année de nouveaux arbres meurent, les racines asphyxiées par le trop-plein d'humidité.
Son rêve est de faire pousser d’autres variétés que les traditionnels pommiers à cidre cultivés dans la région. Il a d'ailleurs ramené avec lui du Connecticut, sa région natale, les graines d’un pommier qui donne des fruits sucrés et doux : les reinettes dorées.
Mais ces pommiers produisent moins de fruits et Sadie, la mère, se révolte contre l'obsession de son mari et son désir de vouloir à tous prix, greffer les pommiers à cidre pour qu'ils produisent des pommes à couteau.
Tous deux se disputent sans cesse à propos du verger et la violence et l'incompréhension s'installent dans le couple.
La famille est très pauvre mais souffre aussi beaucoup car la fièvre des marais emporte les enfants les uns après les autres. Sadie parle d'ailleurs souvent à ses cinq enfants disparus et, pour oublier l'ennui de sa vie quotidienne, elle boit trop. Elle fait trimer les enfants sans relâche, quand elle ne les frappe pas. La vie est rude, mais il faut trouver tous les jours de quoi nourrir la famille et se chauffer un peu pendant l'hiver.
Ils n'ont pas beaucoup de visites, ni de distractions et vivent plutôt isolés du monde et des voisins les plus proches. Seul John Chapman arrive par la rivière sur son canoë : en fait, il passe les voir surtout pour vendre ses plants de pommiers, et évidemment tous se font avoir et s'endettent pour plusieurs années.
Avec lui, Sadie peut discuter de tout et grâce à lui, elle peut avoir de l'eau de vie et du cidre en abondance, en échange de leur récolte de pommes ce qui n'arrange rien à la situation familiale.
Quinze ans plus tard, la misère est toujours là, la famille se déchire et le drame éclate...
Robert s’enfuit alors de la ferme pour aller vers l’ouest. Il mène une vie d’aventurier, devenant tour à tour chercheur d’or, garçon de ferme, mineur, puis récolteur de plants en Californie, pour le compte de William Lobb. Celui-ci prélève en particulier des pousses de séquoias géants et les expédie en Europe. Robert est subjugué par ces arbres gigantesques et retrouve auprès d'eux un peu de son enfance et de la passion de son père.
Régulièrement, parce qu'il n'oublie pas pour autant sa famille, Robert leur écrit espérant qu'après toutes ces années, il y a des survivants, mais il ne reçoit jamais aucune réponse en retour.
Ce qu’il ignore, c’est que sa jeune sœur Martha est sur ses traces et qu’elle aussi le recherche. Elle a un lourd secret à partager avec lui...
Au cours de ses voyages, Robert avait vu beaucoup de choses qui lui avait causé une souffrance au fond de la poitrine, comme une écharde de tristesse s'enfonçant dans son cœur : la grande prairie qui s'étendait à perte de vue ; un orme solitaire qui faisait que le ciel derrière semblait le plus bleu qu'il ait jamais contemplé ; une tornade dansant sur l'horizon gris-vert ; des cimes enneigées suspendues au-dessus de sa tête tels des triangles blancs. Le spectacle sous ses yeux appartenait à une autre catégorie.
Deux arbres énormes se dressaient de chaque côté de la piste...
Il revint sur ses pas, s'assit au bord de la falaise et contempla l'océan pendant plus d'une heure.
...
Il était arrivé aux confins du pays et se trouvait aussi loin de l'Ohio qu'il pourrait jamais l'être : impossible de pousser plus avant. La pensée de devoir se retourner pour regarder vers l'est l'emplissait d'une telle mauvaise conscience et d'un tel désespoir qu'il en avait des haut-le-coeur.
L'auteur nous livre ici à la fois une fresque sombre et un bel hommage. En décrivant sans concession l’histoire de cette famille de pionnier, il nous plonge dans l'ambiance particulière de leur rude vie quotidienne. Le lecteur croise des personnages authentiques, mutiques et durs, mais pugnaces et solides comme la nature qui les entoure.
La romancière aime les détails et les objets. Ici aussi comme dans ses précédents romans, un précieux quilt suit la famille dans son voyage, maintenant entre ses différentes membres , un lien ténu mais précieux. Il devient le témoin des années qui passent. De ravaudage en ravaudage, il traversera ainsi le pays et le temps.
Le lecteur s'immerge dans l'histoire de cette famille sans se forcer. D'autant plus que dans la première partie, la parole est donnée alternativement aux deux parents.
J'ai apprécié les passages où l'auteur décrit la nature rude et sauvage, les forêts gigantesques, les grands espaces.
Des femmes et des hommes ont eu le courage de vivre dans cette nature qui ne leur faisait pas de cadeaux, mais qui interroge sans cesse l'homme, sur sa véritable place...
Voilà encore un roman de Tracy Chevalier à découvrir.
J'avais particulièrement apprécié "La dernière fugitive" et "La jeune fille à la perle". Celui-ci est à mon avis un peu en-dessous au niveau littéraire, mais très intéressant au point de vue de ce qu'il nous fait découvrir de l'histoire de l'Amérique.
Si vous le désirez, vous pouvez aller lire l'avis d'Hélène ci-dessous... C'est grâce à elle que je l'ai lu et aimé !
A l'orée du verger de Tracy CHEVALIER - Lecturissime
♥ ♥ ♥ Des pommes de la discorde aux arbres de l'espérance... En 1838, dans l'Ohio, James Goodenough cultive des pommes. Mais les malheurs s'accumulent sur sa famille : à chaque fin d'hiver ...
http://www.lecturissime.com/2016/05/a-l-oree-du-verger-de-tracy-chevalier.html