Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Tu veux savoir ce qu'est la faiblesse ? C'est de traiter quelqu'un comme s'il t'appartenait. La force est de savoir qu'il n'appartient qu'à lui-même.
Prix des Lecteurs
Ce roman retrace l'histoire de l'esclavage de 1770 à nos jours, à travers sept générations d'une même famille noire et deux lignées séparées par l'histoire. Une lignée restera en Afrique, l'autre se perpétuera en Amérique.
C'est la visite du fort de Cape Coast qui a donné envie à l'auteur, alors étudiante, d'en savoir plus. Elle apprend en effet qu'au XVIIIe siècle, des jeunes femmes noires de la Côte-de-l'Or (ainsi appelait-on le Ghana) étaient contraintes d'épouser des marchands d'esclaves anglais, alors éloignés de leur famille, pour sceller les accords entre esclavagistes.
Là, sous leurs pieds, dans le fort où elles vivaient avec leurs maris blancs, et où elles élevaient leurs enfants métis, leurs époux entassaient leurs frères et sœurs noirs, en attendant de les embarquer sur leurs navires pour travailler dans les champs de coton, de tabac ou de cannes à sucre.
L'histoire est à la fois terrible et toute simple...
Effia et Esi ne se connaissent pas... Elles sont nées pourtant de la même mère, dans deux villages rivaux du Ghana. Effia, grâce à sa beauté, va épouser un blanc, le capitaine du fort, tandis que Esi, dans le cachot attend de partir définitivement pour l'Amérique.
La lignée d'Effia perpétuera le commerce triangulaire...mais devra faire face à la guerre contre les anglais et à la colonisation.
Celle d'Esi travaillera dans les champs et n'aura de cesse que de tenter de conquérir sa liberté. Elle connaîtra le travail forcé, la ségrégation raciale, la pauvreté et la violence.
Depuis leur premier jour au fort, James n'avait jamais reparlé à Effia des esclaves qu'ils gardaient dans la prison, mais il lui parlait souvent d'animaux. Ils formaient l'essentiel du trafic des Ashantis. Des animaux. Des singes et des chimpanzés, voire des léopards.
James n'ignorait pas que c'étaient les anglais qui avaient encouragé les guerres tribales depuis des années, sachant que tous les prisonniers leur seraient vendus comme esclaves.
Le roman se présente sous forme de courts chapitres qui alternent entre les lieux, Amérique et Afrique et les générations. Le lecteur saute donc d'une génération à l'autre, et d'une ambiance à une autre... et il faut parfois quelques lignes pour se retrouver dans l'espace et le temps.
Heureusement, l'auteur a pensé à placer un arbre généalogique des deux lignées en début d'ouvrage. Et ce qui est rare chez moi, j'ai été obligé de m'y référer plusieurs fois.
L'histoire de l'esclavage est ainsi raconté à travers les deux branches de la famille.
C'est passionnant, édifiant, instructif...et terriblement émouvant.
Les stigmates laissés par les ancêtres passent de génération en génération, et chaque individu porte le poids du passé familial... mais heureusement la fin se termine sur une note d'espoir en l'humanité.
Les jeunes vont réussir à s'accepter et à construire leur vie sans occulter ni le passé, ni leurs origines.
Mon seul regret
J'aurais aimé parfois, rester davantage en compagnie de l'un ou l'autre des personnages, car chaque génération nous offre un roman à part entière, chaque tranche de vie pourrait en effet être lue séparément, mais appartient à un tout, que nous avons la chance de connaître, nous lecteurs, alors que les protagonistes jusqu'à la fin n'en sauront rien.
Un roman à découvrir...que j'ai eu envie de lire après avoir lu les critiques de Mimi sur son blog, et de Doc Bird ici.
Keisha aussi a écrit une belle chronique sur son blog, que je vous invite à visiter si vous ne la connaissez pas encore, car elle lit encore plus que moi...
Cudjo avait tendu la main et demandé à Quey de tendre la sienne, de mettre son bras contre son bras, peau contre peau.
"Pas comme moi" avait-il dit.
Quey avait eu envie de pleurer mais s'était senti honteux. Il savait qu'il était un des enfants mulâtres du fort et comme les autres enfants mulâtres il ne pouvait pas revendiquer pleinement la moitié de lui-même, ni la blancheur de son père, ni la couleur de sa mère. Ni l'Angleterre, ni la Côte-de-l'Or.
Le dieu de l'homme blanc est comme l'homme blanc. Il pense qu'il est le seul dieu, juste comme l'homme pense qu'il est le seul homme.