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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Le printemps des femmes / Jeanne-Marie Sauvage-Avit

Editions des Monts d'Auvergne, 2012

Editions des Monts d'Auvergne, 2012

 

Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur et voilà qu'elle vient d'obtenir un prix pour son dernier roman "Cueilleuse de thé" publié aux Editions Charleston en 2017. 

Alors bien sûr je n'ai pas pu m'empêcher de chercher un de ses écrits dans les rayons de la bibliothèque et je suis tombée sur celui-ci. 

Quand il avait reçu sa feuille de route, deux jours plus tôt, il n'avait manifesté ni violence, ni rancoeur. Il était monté sans mot dire au grenier, avait descendu la vieille valise en bois et commencé à faire ses paquets.
- Quand le tour d'Antonin viendra, il prendra le grand sac en toile, avait-il décidé, sans montrer la moindre émotion ni dans le ton de sa voix, ni dans ses gestes toujours calmes et posés.

Cette acceptation de la mort par toute une population l'angoissait . L'Union Sacrée, lisait-on dans les journaux. Tous unis contre l'ennemi, La mère patrie était en danger, il lui fallait des héros. Toujours plus de héros, plus de sacrifices. La guerre était-elle un Minotaure géant qui exigeait son quota de victimes quotidiennement ?

Tu sais, Mellie, la force des hommes, c'est de faire croire aux femmes qu'elles ne sont pas capables. Elle fera comme nous toutes, elle apprendra.

 

Clémence et Jean-Martin coulent des jours heureux dans la ferme située sur le plateau de Saint-Jean, au-dessus de Saint-Etienne. Clémence descend au marché à la ville pour y vendre des légumes, cultivés avec patience sur leurs terres.  Antonin l'aîné des enfants, a 19 ans en 1914 et travaille avec son père à la ferme. Il en faut des bras pour abattre tout le travail surtout en été ! Celse le plus jeune des fils a préféré se faire embaucher à la mine mais le soir il donne aux lapins, nettoie les clapiers ou aide à la traite. Quand à Perline, la seule fille, amoureuse des mots, elle est devenue institutrice dans l'institut privée du village. 

 

C'est l'été et tout le monde est au champ lorsque les cloches se mettent à sonner à la volée : c'est la guerre !

Jean-Martin part le premier et la vie à la ferme s'organise. Maintenant qu'il est parti, Perline, après avoir préparé sa classe, rejoint tous les jeudis sa mère, pour l'aider à ramasser les légumes qu'elle descendra vendre à la ville. Mais un mois seulement après le départ du père, c'est au tour d'Antonin d'être appelé.

Heureusement avant leur départ, la famille a accueilli deux enfants de l'assistance publique, Mathias en âge d'être placé, mais aussi sa jeune sœur Lucille dont il ne voulait pas être séparé. Tout compte fait Clémence ne regrette pas d'avoir eu bon cœur, même s'il lui faut nourrir, loger et habiller deux enfants au lieu d'un : ils lui tiennent compagnie et apportent une aide inestimable, car il a bien fallu s'organiser en l'absence des hommes.

 

Les femmes sont solidaires et reprennent peu à peu les métiers délaissés par leur mari. Si Clémence a su tout de suite bien gérer la ferme et les cultures d'autres à l'inverse ont eu quelques difficultés...Mais finalement Augustine a accepté de prendre la place de son mari au café ; la boulangère a eu du mal à faire le pain malgré le fait qu'elle connaissait les gestes par cœur, mais tout le monde est content de ses dernières fournées ; Ernestine a remis sans problème en marche les métiers à tisser et Mellie, la femme du facteur a pris sa tournée...

Et tout cela bien avant que le gouvernement ne leur demande à toutes de le faire !

 

Perline est un jour obligée d'accepter un travail de secrétariat et comptabilité dans les entreprises Fougerolles.  Elle abandonne avec regret sa classe, mais découvre un  autre monde, celui de l'usine.  Le poids de la hiérarchie, les horaires impossibles, les  conditions de travail déplorables et surtout, les gestes grossiers du contremaître qui profite de son autorité pour tripoter les jeunes filles qui n'osent se plaindre de peur de perdre leur travail, horrifient la jeune fille mais elle sait se défendre et faire valoir son travail.  

Peu à peu tous les hommes du village disparaissent les uns après les autres, laissant les femmes anéanties et le pays exsangue, après cinquante-deux mois de conflit.

 

Alors bien sûr avec le courage dont toutes les femmes ont fait preuve, c'est normal que certaines se révoltent quand elle voit les hommes reprendre peu à peu, un peu plus de leurs pouvoirs, une fois revenus de la guerre.

Elles se sont senties libres et indépendantes, capables de prendre des décisions en l'absence des hommes et pensent que la société devrait leur témoigner davantage de respect. Or les héros...ce sont les hommes qui se sont battus, et ceux qui reviennent n'aspirent qu'à une seule chose, un retour à la normale.

Perline espérait que les femmes ayant eu de nouvelles responsabilités, et soutenu l'économie du pays, obtiendraient un peu plus de considération...

Elle se rebiffe !

 

Elle était congédiée.
Malgré ses diplômes et ses compétences, elle n'avait été qu'une remplaçante. Si elle avait occupé un poste à responsabilité, c'était grâce à la guerre. Avec le retour des hommes, la lutte était inégale. Il n'y avait pas d'emploi pour elle. Quelles que soient ses qualités, son expérience, elle devait s'effacer pour laisser la place. Elle avait cru que le monde allait changer, que les femmes auraient un rôle à jouer dans la société d'après-guerre.
Son erreur de jugement lui apparut soudain dans toute son ampleur.

 

Voici une chronique familiale toute simple qui se déroule durant la Première Guerre Mondiale, dans un petit village d'Auvergne situé sur les hauteurs de Saint-Etienne. 

L'auteur nous relate avec beaucoup de réalisme la vie quotidienne de cette région de France pendant la guerre. Mais de guerre, on ne parle pas, non...l'action se passe au coeur des villages. 

 

Le lecteur (re)découvre le travail des champs, dans les usines ou dans les mines au début du XXe siècle. La vie quotidienne malgré les conditions de travail difficiles est toute douce et personne ne s'en plaint, mais la grande guerre pointe son nez, et sa violence apporte chagrin et désespoir dans les familles. Il faudra bien que les femmes fassent tourner la ferme, ou bien se rendent à l'usine pour apporter trois sous à la maison.

A une époque où les communications modernes n'existaient pas encore, le village perdu sur son plateau, n'était pas pour autant isolé de la grande ville proche. 

 

J'ai trouvé cette plongée dans le monde rural tout à fait plaisante, et j'ai pris un réel plaisir à cette lecture, portée par des personnages vivants, simples et attachants. Chacun des personnages pourraient être un de nos ancêtres. 

C'est l'occasion de découvrir de beaux portraits de femmes...dont Perline, une héroïne au caractère bien trempée qui sait se défendre et saisir les opportunités de la vie. 

Le récit est étayé de recettes auvergnates, de mots en patois expliqués en bas de page, et le lecteur retrouvera avec plaisir les petits métiers d'antan, oubliés ou abandonnés aujourd'hui mais qui ont fait partie de la vie quotidienne de nos parents et grands-parents.

 

Voilà un roman du terroir qui ne manquera pas de plaire aux amateurs du genre, mais aussi à ceux qui s'intéressent à l'histoire de notre pays, à la Première guerre mondiale et à la cause des femmes...

C'est mon modeste hommage du jour à la Commémoration de l'armistice de 1918, qui a mis fin à la Première Guerre Mondiale.

 

 

Quand il n'y aura plus d'hommes, affirmait Antonin, un soir, à un camarade que cette guerre trop longue rendait fou, plus d'hommes, rien que des enfants et des vieillards, il faudra bien que ça s'arrête.Même si les femmes continuent à fabriquer des milliers et des milliers d'obus par jour.

 

L'auteur, connue au départ pour ses nouvelles, propose ici son premier roman. Après avoir vécu et fait ses études secondaires dans la région de Saint-Etienne, elle est devenue, enseignante d'histoire-géographie. Désormais à la retraite, elle vit en Provence dans les Bouches-du Rhône. 

Elle aime la nature, et nous le montre bien dans son roman, mais aussi les randonnées et le jardinage. 

Après "Le printemps des femmes" en 2012, elle a publié "Le vent souffle où il veut" en 2014.

Puis "Perline, Clémence, Lucille et les autres" (Nouveaux Auteurs, 2014) Lauréat du Prix du Jury, Femme Actuelle 2014 où l'on retrouve les héroïnes du Printemps des femmes. 

Son dernier roman vient de paraître en 2017. 

 

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F
peu de romans du terroir.......
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F
peu de romans du terroir.......
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Q
Tu donnes envie de le lire... je le note à défaut de pouvoir le lire tout de suite.<br /> Merci pour ce roman, Manou.<br /> ... et merci à toutes les femmes qui ont permis que nous puissions aujourd'hui être indépendantes.<br /> Bisous et douce journée.
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M
C'est un roman tout simple mais doux à lire...la vie autrefois n'était pas facile mais les gens je crois était plus heureux que nous aujourd'hui par bien des côtés. Bisous
S
Bonjour :) Ce n'est pas le genre de roman que je lis habituellement mais votre chronique me tente beaucoup d'autant que j'aime l'histoire et les personnages au caractère fort ... et puis je suis une femme donc je me sens concernée. Après tout des femmes se sont battues pour que nous ayons les droits que nous avons aujourd'hui c'est bien de ne pas l'oublier. Merci pour ce partage.
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M
C'est exactement cà. Beaucoup de jeunes oublient tous ces combats féminins qui en leur temps ont fait évoluer les choses même s'il y a encore beaucoup à faire aujourd'hui. Merci pour votre visite
C
un très beau livre assurément, les romans de terroir j'en ai lu beaucoup à une époque, plus en ce moment mais ça reviendra surement<br /> belle soirée à toi<br /> bisous<br /> patricia
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M
Pareil, c'est ce que je disais à l'instant dans le commentaire en dessous du tien. Et je me remets à en lire de temps en temps : c'est très reposant ! Bisous et un bon début de semaine
B
Je ne connais pas cette auteure et lis assez peu de romans du terroir. J'en ai pourtant apprécié quelques-uns, dont notamment La soupe aux herbes sauvages d'Emilie Carles (institutrice comme Perline), je ne sais pas si tu connais. Merci pour ce partage !
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M
Oui je connais "Une soupe aux herbes sauvages", bien sûr ! Je l'ai acheté en 1979, c'est te dire :) J'ai beaucoup lu Christian Signol, Jean Anglade, Claude Michelet, Michel Peyramaure...Bien avant d'avoir mon blog. Quand je travaillais, je trouvais que ces romans du terroir m'apportaient une détente bénéfique et me changeaient de la littérature jeunesse ou pour ados et je n'avais pas toujours le courage de lire des romans trop complexes ou littéraires. Un bon début de semaine à toi
M
Je ne connais pas non plus cette auteure, mais j'essaierai de trouver ce livre... c'est vrai que pendant des dernières guerres les femmes ont été mises à contribution; maman en exode près de Bordeaux a travaillé dans une usine de pièce pour l'aviation...<br /> Merci pour la découverte!<br /> bisous et bonne semaine!
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M
C'est un livre écrit avec beaucoup de simplicité et j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire. J'espère que ce sera pareil pour toi. Bises et un bon début de semaine
M
Merci pour ce beau partage! Bise, bon samedi tout en douceur!
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M
Merci de ta visite. Prends ton temps...après tes vacances. Tu n'es pas obligée de passer tu sais...Bisous
L
C'est une découverte.
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M
Quand tu auras un cadeau à faire...
P
Je ne connais pas l'auteur non plus, mais j'aime le genre "terroir" et je pense que j'aimerais celui-ci. Seulement, j'ai assez de romans dans ma bibliothèque ! <br /> Bon dimanche.
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M
Ma PAL déborde aussi...mais je note, je note et je découvre souvent de belles choses...Bon dimanche à toi aussi
R
merci Brigitte de signaler mais je pense pas trop en ce moment. Bisous
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M
Euh je vois que tu es débordée...moi c'est Manou :) Bises et bon dimanche
B
Il doit être bien en effet ce roman ! Merci Manou pour ta chronique !<br /> Je te souhaite un agréable week-end.<br /> Bisous.<br /> Bernadette.
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M
Toi aussi tu aimes les romans du terroir et en plus il se passe en Auvergne. Bises et bon dimanche
M
Bonjour chère Manou,<br /> Comme toi, je ne connais pas du tout cette auteure.<br /> Un beau roman qui va très bien avec le 11 novembre !<br /> Pendant la guerre, les femmes étaient très courageuses, bel éloge du courage, de l'abnégation des femmes dont on oublie souvent les souffrances. Cette guerre fut terrible !<br /> Je en t'oublie pas, j'avais des tas de choses à faire.<br /> Je suis une pile, après-midi je vais faire un tour dans la nature.<br /> Depuis ce matin, je m'agite ! Ma solitude prend fin, je n'en souffre pas.<br /> Michel qui n'est pas seul, en souffre plus que moi d'être loin de moi.<br /> Ce matin, j'ai ri, il m'avait écrit une lettre comme un militaire qui a six mois qu'il est parti, il compte les jours de son retour. J'ai un homme qui ne sait pas vivre sans moi, c'est terrible, même embêtant !<br /> Il est très content de rentrer ! Sa lettre arrive en même temps que lui, hier je ne suis pas allée à la boite !<br /> Tout va bien. Il fait moche, merci pour tes rayons de soleil !<br /> Bon week-end, je t'embrasse avec toute ma tendresse.♥<br /> A demain !
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M
Bon dimanche alors puisque ta solitude prend fin...J'espère que tu auras une douce journée ensoleillée. Bisous
Z
Mesdames, ce que vous avez fait est normal, mais nous on revient, vous êtes priées de retourner à vos fourneaux et aux couches des gamins qu'on va vous faire
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M
C'est exactement ça ! Et cette jeune héroïne sait très bien montrer le ressenti de toutes ces femmes qui quel que soit leur âge...se révolte à leu façon. Mais nous avons encore du pain sur la planche
D
Un bel hommage rendu aux femmes qui ont goûté à l'indépendance,et qui ont dû se battre pour essayer de la garder à la fin de la guerre. Un beau roman du terroir et historique. Bon week end.
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M
Pour adulte et grand ados quand même non pas à cause de sa difficulté mais du nombre de pages. De temps en temps cela détend et en tous les cas j'ai appris plein de choses sur la région. Bon dimanche
D
Le combat des femmes n'est pas terminé, et pourtant que de choses ont changé en 100 ans<br /> En tous cas, livre intéressant et bon article de présentation, à une date bien choisie
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M
C'est bien vrai...mais à l'époque les hommes trouvaient normal de reprendre la vie où elle s'était arrêtée après ce qu'ils avaient vécu et du coup, les femmes ne pouvaient pas leur en vouloir non plus, d'où le dilemme ! Bon dimanche
D
rien d'inédit dans ce que tu rapportes, mais en ce moment on peut établir des parallèles troublants. et puis les plus jeunes n'ont probablement jamais eu à se soucier de cette époque. donc une lecture intéressante. oui, trois fois oui, la force des hommes, c'est de faire croire aux femmes qu'elles ne sont pas capables.
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M
Et elles sont capables :) Les choses ont changé heureusement mais pas dans le fond...il y a encore du travail en France et dans le monde
T
Tiens, c'est vrai, je n'y avais jamais pensé, ce devait être dur pour les femmes de rentrer dans les rangs une fois le retour des hommes au bercail. La guerre leur aura finalement offert "la chance" de s'affirmer, la paix leur reprend leurs nouveaux droits. Pas facile pour elles, et même très frustrant. En plus il leur a fallu s'occuper des hommes hommes traumatisés, port ant des séquelles de leurs batailles, quel rôle ingrat ...
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M
C'est tout à fait ça et elles ont eu du courage ! C'est comme une petite graine qui aurait été semée dans leur esprit...il aura fallu des années pour que les choses évoluent...et il y a encore du travail ! Bisous et bon dimanche
M
Un roman en lien avec la journée d'aujourd'hui. J'aime ce genre de livre qui sont le témoignage d'une époque
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M
Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt
É
Bonjour Manou. Tu rends un bel hommage aux soldats et aux femmes qui ont vécu la guerre 14-18 à travers cette jolie chronique. Les femmes ont dû avoir beaucoup de mal à être reléguées à leurs foyers après avoir fait fonctionner le pays. Bonne journée et bisous
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M
Merci Brigitte ! C'est vrai que c'est bien d'en parler, encore et encore...Bisous