Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Tout ce à quoi je pensais croire s'est dérobé. Il y a dans mon cœur un vide aussi béant que celui du ventre de la petite fille et je ne puis penser à rien d'autres qu'à ce que cette occupation nous a réellement coûté. Elle signe la fin d'une Chine dont je n'ai pas assez fait de cas pendant des années. La mort de toute croyance-la fin des dialectes, des temples, des gâteaux de lune à l'automne et de la pêche au cormoran au pied des montagnes. La mort des jolis pont enjambant les mares à lotus, des galets jaunes qui se reflètent le soir dans le silence de l'onde...
Grand Prix des Lectrices de Elle en 2006
Prix SNCF du Polar 2006
Grey est une jeune anglaise perturbée et angoissée qui cache un lourd passé.
Dans les années 90, elle débarque à Tokyo pour y rencontrer un enseignant de sociologie, Shi Chongming. Elle vient d’Europe pour lui demander de visionner un film, qui serait en sa possession, montrant un événement important de la guerre Sino-japonaise et en particulier de la prise de Nankin, film qui est devenu indispensable à la survie psychologique de la jeune fille et dont elle a trouvé trace lors de ces nombreuses recherches sur cette période de l’histoire.
Au départ, le lecteur ne sait rien des raisons qui la pousse à harceler le professeur, ni du passé de la jeune fille. On apprend simplement au fil de la lecture qu’elle est considérée comme « folle », qu’elle a été longuement hospitalisée dans un service psychiatrique, que même ses parents ne la croient pas, lorsqu’elle a déclaré qu’elle avait commis cet « acte ignoble » qu’on lui reproche, par ignorance…
Le lecteur n’apprendra qu’à la fin de quoi il s’agit. Bien sûr, de nombreux indices seront semés sur sa route. Grey a été élevée par des parents aimants qui désiraient avant tout la protéger de tout et l’ont donc maintenue dans l’ignorance. Aussi lorsqu’elle a mis la main sur un petit livre orange racontant les événements de Nankin, elle est devenue une adepte de cette période historique…et c’est par hasard qu’elle a trouvé mention du professeur et du film prouvant le déroulement des événements. Seul ce film prouverait qu’elle n’est pas « folle » et qu’elle dit vrai.
En attendant, on suit Grey dans les rues de Tokyo, sans un sou en poche car elle a juste eu de quoi payer son voyage. Dans un parc, elle rencontre Jason, un jeune américain qui est étrangement attiré par cette jeune fille mutique qu’il va surnommer « phénomène » et lui proposer de l’héberger « chez lui » dans une mystérieuse maison délabrée et fantomatique où la moitié des pièces sont inaccessibles et même carrément interdites d’accès.
Elle va finir par y aller, morte de fatigue et de faim et par travailler dans un club d’hôtesse où l’argent coule à flot et où Mama Strawberry l’accueille sans poser aucune question…
C’est alors que Shi Chongming, qu’elle a revu plusieurs fois entre temps, lui propose un étrange et dangereux marché : lui montrer le film en échange de quelque chose qu’elle doit récupérer pour lui chez Fuyuki , le patron de la mafia de Tokyo, un vieux chef yakusa, surveillé en permanence par sa terrible et gigantesque nurse, sur laquelle beaucoup de rumeurs circulent…
Le visage blême, elle se raidit sur son tabouret et braqua les yeux sur le hall d'entrée.
Six gorilles en costume bien taillé, aux cheveux courts et permanentés venaient de franchir les portes en aluminium et balayaient le club du regard, certains en se tripotant les boutons de manchette, d'autres en glissant un doigt entre leur col de chemise et leur cou massif. Au centre du groupe se tenait un homme mince, vêtu d'un polo noir à col roulé, les cheveux ramenés en queue-de-cheval. Il poussait un fauteuil de roulant dans lequel était assis un homme minuscule, fragile comme un vieil iguane...
En parallèle de l’histoire de Grey, le professeur de sociologie se remet à lire le journal qu’il écrivit de mars à décembre 1937 alors qu’il habitait Nankin en Chine et que les Japonais envahissaient la ville et perpétraient des horreurs si terribles qu’elles ont été effacées des manuels scolaires, tant les générations futures en ont eu honte…
Un thriller haletant…qui démarre par un prologue saisissant où un personnage inconnu poursuit un soldat japonais pour lui prendre sa caméra. Très vite on comprend qu’il s’agit de Shi Chongming.
- Ne la prenez pas, a-t-il repris. Si vous la prenez, qui témoignera ?
"Si vous la prenez, qui témoignera ?"
Ces mots sont restés en moi. Ils resteront en moi jusqu'à la fin de mes jours. Qui témoignera ? J'observe longuement le ciel au-dessus de la maison, la fumée noire qui passe devant la lune. Qui témoignera ? La réponse est : personne. Personne ne témoignera. Tout est fini. Cette page est la dernière de mon journal. Je n'écrirai plus jamais. La suite de mon histoire ne sortira pas de la bobine que contient cette caméra et ce qui s'est passé aujourd'hui restera un secret.
Personnellement j’ignorai tout de ces événements historiques occultés et souvent confondus avec la guerre sino-japonaise. Si j’en ai entendu parler, je les avais oubliés !
Des milliers de chinois ont été massacrés, des femmes violées avant d’être tuées, des atrocités, des tortures et des actes de cannibalisme ont été relevés… C’est sous la plume fictive du professeur que les événements historiques sont relatés et les horreurs de Nankin dévoilées.
On y apprend aussi les traditions et les coutumes de cette époque. Tout comme le lecteur découvre avec Grey la vie à Tokyo dans les années 90.
L’ambiance est singulière et souvent glauque…les personnages attirants et très bien décrits. C’est un roman noir effrayant et attractif pour ne pas être addictif puisque dès qu’on commence sa lecture on n’a de cesse de le poursuivre pour trouver les réponses aux nombreuses questions qui surgissent au cours de sa lecture.
L’auteur n’a pas son pareil pour faire monter le suspense au fil des pages mais il nous reste au-delà du thriller, une belle mais terrible leçon d’histoire…et une lecture qui nous apparaît comme indispensable, surtout lorsque l’on sait que le massacre de Nankin est, toujours aujourd’hui, contesté par les négationnistes japonais.
- C'est impossible, ai-je murmuré. O Père du ciel, suis-je en train de rêver ?
Il y avait là une centaine, non, un millier de cadavres. Empilés à la va-vite, les uns sur les autres, en couches innombrables de corps contorsionnés, de têtes tournées selon des angles irréels, de pieds flasques plus ou moins chaussés. Liu et moi nous étions endormis au clair de lune face à une montagne de cadavres. Il m'est impossible de retranscrire ici tout ce que j'ai vu ce matin-la vérité écrite risquerait de crever le papier-, les pères, les fils, les frères, les infinies variations du deuil.
Biographie de Mo Hayder (d’après wikipedia)
Mo Hayder (née à Londres en 1962), est une romancière britannique de roman policier, noir et thriller.
Fille d’universitaires anglais et enfant terrible, elle quitte brutalement sa famille à l’âge de 15 ans pour enchaîner les petits boulots dans la capitale. À 25 ans, après un mariage éclair et dix années de vie mouvementée sur fond de « sexe, drogue et rock’n’roll », elle décide, un aller simple en poche, de s’envoler pour l’empire du Soleil-Levant. Une fois arrivée à Tokyo, c’est la désillusion. Elle mène alors une existence des plus austères, vit dans une seule pièce et n’en sort que pour aller travailler. Elle y exerce les métiers de barmaid, éducatrice et, enfin, professeur d’anglais.
Attirée par le cinéma d’animation, elle quitte à 28 ans le Japon pour les États-Unis afin d’y suivre des études de cinéma. Elle obtient finalement son diplôme, mais le caractère violent de ses réalisations lui interdisant tout espoir de large diffusion, Mo Hayder décide de retourner en Angleterre. Elle y occupe un poste dans la sécurité comme « garde du corps », puis se consacre entièrement à l’écriture. Elle vit désormais avec sa fille et son compagnon.
Marquée à vie par les expériences traumatisantes dont ont été victimes plusieurs de ses proches, elle reconnaît volontiers sa fascination pour le morbide et la cruauté qui hantent ses livres. Birdman (Presses de la Cité, 2000), son premier roman, est devenu en très peu de temps un best-seller et s’est vendu à 130 000 exemplaires en Grande-Bretagne. Avec Tokyo, Mo Hayder confirme son statut unanimement reconnu d’étoile montante du roman noir. Elle a reçu pour ce roman le Grand prix des lectrices de Elle 2006 catégorie Policier.
Plusieurs de ses romans (Birdman, L'Homme du soir, Rituel, Skin et Proies) mettent en scène l'inspecteur Jack Caffery, de la brigade criminelle du sud de Londres et Phoebe Marley, surnommée Flea, plongeuse pour la police de Bristol.
Ses livres sont traduits dans une quinzaine de pays.
En plus des prix reçus pour « Tokyo » elle reçoit en 2012, le Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur roman pour « Gone » traduit en français sous le titre « Proies ».
On n'a pas besoin de comprendre ce qu'est l'amour pour avoir envie de le faire. C'est ce que démontrent les abeilles et les oiseaux. J'étais la pire combinaison possible, ignorant tout des tenants et aboutissants de la chose et aussi fascinée qu'on puisse l'être. Pas étonnant, peut-être que je me sois attirée des ennuis.
J'avais noté ce roman depuis fort longtemps sur mes listes à lire...je crois bien lors de mes premières visites sur le blog de MissFuji dont je faisais à peine connaissance...
Puis plus récemment, c'est Mimi qui en a parlé et m'a décidé à l'emprunter en médiathèque, car ce roman comme vous l'avez vu n'est pas une nouveauté.
Voilà donc les deux avis sur mes blogs amis !
Tokyo - Mo Hayder - Le blog de MISSFUJII
Grey débarque à Tokyo, sans argent, ni bagage. Obsédée par un passé Tumultueux, elle a quitté son Angleterre Natale dans le seul but de retrouver un vieux film disparu. Ces images seraient l'...
Tokyo de Mo Hayder - Mes petites boîtes
Toute connaissance a un prix. Fuyant une famille trop présente et un lourd passé, Grey arrive à Tokyo presque sur un coup de tête. Il faut absolument qu'elle entre en relation avec un vieux ...