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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Les oiseaux de passage / Bénédicte des Mazery

L'oiseau l'avait suivi jusqu'à l'hospice. Il remplissait le ciel de ses ailes déployées et il riait en tournoyant au-dessus de lui. Du fond de son panier qui se balançait à droite, à gauche, Séraphin voyait tout, entendait les sons les plus lointains. "Elle va revenir", lui avait dit l'oiseau soyeux en levant ses plumes au détour du vent ; elle était partie devant et, quand elle aurait trouvé l'endroit, elle le ferait chercher. L'oiseau savait où le trouver.
"Elle va revenir", murmura-t-il, la tête tournée vers le ciel.

 

Connaissez-vous "la prison de la Petite-Roquette", cette prison parisienne initialement conçue pour recevoir des femmes et qui, de 1836 à 1932 n'a été utilisée que pour incarcérer des enfants de 7 à 21 ans...avant de devenir une prison pour femmes où 4 000 résistantes furent enfermées pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Moi je n'en avais jamais entendu parlé ou bien, je l'avoue... je l'avais oublié. 

 

Au départ, les enfants enfermés dans cette prison ont eu durant une partie de la journée une vie commune, mais dès 1838, la mode qui vient d'Amérique est à l'isolement, afin d'éviter la "corruption mutuelle" mais aussi les épidémies vues les conditions déplorables de vie.

Les enfants enfermés là, pouvaient avoir commis des crimes graves, de simples vols à l'étalage, ou être des enfants des rues, orphelins ou abandonnés, ou même encore des enfants placés au titre de la "correction paternelle" sur simple demande de leurs pères. Ils pouvaient y rester de 1 à plus de 6 mois consécutifs...

 

 

Editions Anne Carrière, 2016 Prix Paul Féval 2016

Editions Anne Carrière, 2016 Prix Paul Féval 2016

Il a rangé sa couche, il a balayé le sol, chaussé ses sabots et maintenant, debout devant la porte, il attend. Il attend qu'un surveillant vienne et entrouvre le guichet, il attend devant une porte close, parce qu'on n'ouvre plus les portes si ce n'est un quart d'heure pour se laver dans la cour, à un moment où personne ne peut le voir et où il ne peut voir personne.
Il attend dans le silence.

 

Nous sommes en 1838, lorsque Jacques, à 11 ans, est arrêté en plein carnaval et incarcéré à la demande de son père à la Petite-Roquette. 

Terrifié, espérant sans relâche la venue de sa mère pour le "sauver", Jacques doit se rendre à l'évidence : il n'aurait jamais dû descendre de la voiture et marcher au milieu des saltimbanques, ivre d'aller en liberté dans la foule, affolant sa mère enceinte...

 

Il va faire connaissance avec Narcisse, plus âgé que lui et qui a déjà une longue expérience de la vie, puisqu'il a été arrêté pendant la révolution de juillet, Séraphin, le plus jeune enfant trouvé qui attend sa mère et reste persuadé qu'elle viendra le chercher car l'oiseau le lui a dit un jour, Octave qui n'a plus de dents malgré son jeune âge et attend qu'un père adoptif vienne le chercher (mais celui-ci attend que l'administration lui en donne l'autorisation) et Charles qui déclame toute la journée des vers de Victor Hugo en prétendant être son fils....

 

Mais très vite les enfants vont être séparés et confinés dans leurs cellules où ils recevront tout de même quelques enseignements de base et de quoi occuper leur mains.

La solitude est trop forte et les enfants y perdent ce qui leur restait de joie et d'envie de vivre...ils n'ont plus que leurs rêves pour survivre et rester libres chacun à leur manière, de traverser les murailles pour s'envoler au delà des murs...

 

 

On ne lui vole plus son pain, mais c'est pire qu'avant.
Assis par terre les jambes écartés, Séraphin ne joue plus. Le caillou qu'il a ramassé hier dans la cour, il le tient bien serré dans son poing. Il n'a pas faim de pain, il a faim de Charles, et de Jacques, et cette seule pensée le fait hoqueter plus fort...
Il est petit alors on l'oublie.

Avec en toile de fond la vie parisienne au temps de la Monarchie de Juillet, où se mêlent misère, maladies et révoltes, l'auteur retrace avec beaucoup d'humanité la vie de ces enfants délaissés par la société du XIXème siècle. 

La place de l'enfant dans la société de l'époque est bien différente de celle qu'il détient aujourd'hui. On est bien loin des droits de l'enfant et la violence au début du roman peut choquer, autant celle des surveillants qui sont d'une cruauté incroyable envers les enfants, que celle des enfants entre eux.

Seul l'abbé Crozes, en véritable humaniste tente d'alléger leur solitude et se bat contre le directeur et les surveillants pour modifier les conditions de cet enfermement.

Le contraste est frappant entre le récit de la vie quotidienne de ces enfants et les rapports officiels, rédigés par les préfets, inspecteurs et autres instances administratives qui étayent le roman. 

 

"Nous avons été émerveillés de l'activité, de l'ordre et de l'intelligence qui règnent partout.
Sans parti pris, entrez dans chaque cellule et voyez ces yeux clairs, cet air calme et résigné. Voyez comme tout est rangé, comme tout est propre : l'établi, les outils, le lit, la chaise, les livres, les cahiers d'écriture...
Interrogez le médecin : il vous dira que leur santé à tous est meilleure que dans la vie libre.
..."

M. Moreau-Christophe
Inspecteur général des prisons du royaume

 

Même si par moment, au début de ma lecture, je me suis un peu perdue dans les personnages, l'auteur passant sans prévenir de l'un à l'autre, sautant d'un événement présent au passé, ce roman est facile à lire et à comprendre.

Il nous offre de nombreux passages emplis de poésie...qui arrivent à nous faire voir l'incarcération avec les yeux des enfants, ce qui allège sa lecture mais ne nous fait pas oublier pour autant la violence quotidienne. 

 

Un livre qui ne peut nous laisser indifférent, surtout lorsque l'on songe que ces enfants des rues, ces orphelins, ces petits voleurs du siècle dernier ou de la fin du XIXème, qui devaient vivre au jour le jour dans la ville comme ils le pouvaient, ont été rayés définitivement de l'Histoire, les archives de la prison ayant été détruites lors de la démolition des bâtiments en 1974, sur l'emplacement desquels se dresse aujourd'hui une barre HLM. 

 

Ce beau roman leur rend hommage et nous invite à ne pas les oublier....

 

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L
Voilà encore un roman qui va me tenir éveillée mais que je ne pourrais pas m’empêcher de lire.<br /> Je connais la petite Roquette, j'y suis même entrée à l'intérieur, rassures toi pas en prisonnière.<br /> A l'indépendance de l'Algérie ma belle sœur, dont les félagats avaient tué son mari la laissant avec un bébé de 3 mois avait obtenu dès son arrivée en France un emploi à la petite Roquette.<br /> Elle n'y est pas restée longtemps car elle se sentait prisonnière, après 20 heures on ne pouvait plus entrer ni sortir.<br /> J'ai pu allé hier à la librairie et j'ai acheté entre autre "l'amie prodigieuse" mais seulement le premier tome, ils n'avaient pas encore reçu le 2ème.<br /> Comme j'en ai 2 à lire avant ça ne m'a pas dérangée, d'ici là ils auront même peut être le 3ème tome.<br /> Passe une belle journée<br /> Je t'embrasse<br /> Maryse
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M
Cela doit être impressionnant de visiter ces lieux et d'y travailler aussi. J'avais une collègue de travail dont le mari était gardien de prison : elle disait que c'était très dur pour lui. Il travaillait dans un secteur où il avait beaucoup de jeunes et trouvait que c'était du gâchis de les laisser enfermer, certains n'avaient commis que des petits délits et un travail d'intérêt général avec un soutien social ou psychologique aurait suffit à les remettre dans le droit chemin...<br /> C'était encore pire cet enfermement en ce temps-là.<br /> Bisous je lirai avec plaisir ton ressenti quand tu auras lu tous ces livres :)<br /> Belle journée
M
C'est trop dur, j'ai envie de plus de légèreté
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M
Tu as bien raison mais je ne sais pourquoi tout ce que je lis en ce moment est très dur
É
Bonsoir Manou. Cette histoire d'enfants emprisonnés et maltraités pour de petits larcins me dit quelque chose. Peut-être un téléfilm sur le même sujet, mais je n'ai pas trouvé. Bisous
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M
C'est tout à fait possible. J'ai découvert pas mal de choses sur cette prison mais très peu concernant les enfants. Bisous
C
Oui j'en avais entendu parler en effet, mais je n'imaginais pas qu'un enfant pouvait y être incarcéré à la demande de ses parents ...! Aucun risque que ça arrive de nos jours, les parents ayant plutôt tendance à excuser leurs enfants quand ils font des bêtises ... Je note le titre de ce livre ... pour plus tard !<br /> Belle soirée !<br /> Cathy
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M
Les listes s'allongent au fur et à mesure de nos échanges...Bisous
M
Je suis d'accord avec les filles, ça doit être assez difficile à lire... Bise, bon mardi tout doux!
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M
Je ne tombe que sur des romans bouleversants en ce moment...Bisous
L
Je pense qu'il y en a à raconter dans une histoire pareille.
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M
On en apprend des choses qu'on ne savait pas !
N
je ne connaissais pas du tout ce triste, non, ce douloureux sort que l'on réservait à ces pauvres enfants. Un livre qui doit-être bouleversant à lire, Manou. Un livre que je lirais...un jour, sûr. Gros bisous, ma doucette. Très occupée en ce moment, mais je ne t'oublie pas.
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M
Je sais c'est triste mais je ne lis que des histoires tristes en ce moment...Heureusement que j'ai lu "l'amie prodigieuse" qui est magnifique aussi mais tellement plus positif. Je pense à toi moi aussi et je ne t'oublie pas. Bisous
C
Juste de lire ton extrait me suffit : pauvres enfants! Quelle mode idiote que l'isolement, même pour les adultes. Il y aura malheureusement toujours des enfants malheureux... Bises et bon mardi !
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M
C'est en effet une mode idiote et dans le roman on voit bien le contraste entre les moments où les enfants vivent en communauté et s'appuient les uns sur les autres même s'il y a quelques bagarres et l'isolement où tout s'aggrave pour eux. Bises et merci de ta visite
M
Ce doit être un roman poignant... Mais certainement plein d'enseignement! Merci Manou!<br /> Bisous<br /> Maryline
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M
Oui très poignant ! En ce moment je ne lis que ça...Ce n'est peut-être pas un hasard et je dois avoir besoin de me détacher de mon nombril :) Bises et un bel après-midi
M
Je connaissais la Petite Roquette pour être une prison de femmes mais pas celle d'enfants. C'est toujours un crève-cœur de lire des romans sur ces prisons d'enfants, sur ces bagnes, car nous savons maintenant que leur enfermement n'était souvent dû qu'à la malveillance des adultes... Bandit, voyou, voleur, chenapan... Jacques Prévert ne les a pas oubliés non plus tous ces enfants laissés-pour-compte.
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M
Oui c'est un livre très dur mais je ne regrette pas de l'avoir lu car il m'a appris beaucoup sur cette époque. Je n'imaginais même pas qu'un père puisse décider de faire incarcérer son enfant. Comme quoi on en apprend tous les jours... En ce moment tout les livres que j'emprunte en médiathèque sont très "durs"...Je ne sais pas pourquoi :) A bientôt
D
je suis un peu comme Clara, j'imagine un livre très difficile à lire!<br /> merci pour ton avis toujours intéressant.<br /> très belle journée, bises<br /> danièle
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M
Je comprends...il faut alterner avec des lectures plus légères...tu verras demain je suis dans un tout autre registre :) Bisous et une belle journée à toi aussi
C
Quelle horreur ! je me demande si j'arriverais à le lire, ce livre.<br /> Dans certaines parties du monde, les enfants sont encore très maltraités, hélas !<br /> Amicalement.
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M
C'est un livre très dur mais la voix des enfants allège un peu le récit. C'est une période de l'histoire finalement très proche de nous. Toute cette misère dans les rues et cette cruauté des adultes envers les enfants est atroce et je sais bien que malheureusement beaucoup d'enfants dans le monde vivent le même calvaire quotidien...Bises