Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Prix du roman FNAC 2015 et Prix Interallié 2015
Le point de départ de ce roman est un événement réel : la mort de Roland Barthes, un illustre sémiologue et philosophe français, renversé par une camionnette de blanchisserie le 25 février 1980 devant le Collège de France. Un mois plus tard, il décédera des suites de ses blessures dans un hôpital parisien.
Et si ce n'était pas un accident ?
L'auteur démarre donc son roman comme une enquête. Dans les milieux intellectuels et politiques de l'époque, tout le monde peut être suspect...d'autant plus que l'action se déroule durant la campagne présidentielle de 1980 qui a opposé Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand et que, au sein des linguistes, différentes écoles de pensée s'affrontent.
La théorie du complot est en marche...
L'assassinat de Roland Barthes devient réalité lorsqu'on découvre qu'il venait de dîner avec François Mitterrand, d'une part et que d'autre part, il n'avait sur lui, ni les clés de son appartement, ni un mystérieux document inédit de Roman Jakobson, un linguiste russe renommé...sur une hypothétique septième fonction du langage qui permettrait à celui qui la maîtrise de convaincre n'importe qui de n'importe quoi et ce dans toutes les situations possibles, donc d'obtenir le pouvoir absolu (indispensable en période électorale).
L'enquête est menée par le commissaire Jacques Bayard, assisté de Simon Herzog, un jeune thésard qui connait bien le milieu de la sémiologie.
Ensemble, ils vont rencontrer tous les intellectuels que fréquentait Roland Barthes dans le milieu littéraire et linguistique parisien de l'époque...
Les nombreux rebondissements de l'enquête amènent le lecteur, de Paris à l'étranger sur la piste des membres du mystérieux du Logos Club, une sorte de société secrète, très organisée, spécialisée dans les joutes oratoires...
Le lecteur va croiser au cours de l'enquête des personnages réels et connus, vivants encore aujourd'hui ou morts, comme par exemple Bernard Henry-Lévy, Julia kristeva, Philippe Sollers, Hélène Cixous, Umberto Eco, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, ainsi que des personnalités politiques comme Valéry Giscard d'Estaing, Laurent Fabius ou François Mitterrand.... y compris des membres des services secrets bulgares. Tous sont décrits par l'auteur dans des situations rocambolesques !
"La septième fonction du langage" est un roman très particulier.
L'auteur fait vivre à ces héros des événements réels ou fictifs, ou des événements qui auraient pu être réels...
Bref vous l'aurez compris la frontière entre la réalité et la fiction est très floue et l'on passe sans cesse du doute à la certitude, ce qui crée un suspens intéressant. D'ailleurs la photo de couverture en est une belle illustration !
Ce roman est donc un thriller à la fois politique et linguistique. Il mêle enquête policière, politique, cours de sémiologie et connaissance des milieux intellectuels de gauche dans les années 70/80 à la critique du système.
Lorsque vous connaissez les personnages en question, vous tombez dans le piège de croire ce que vous lisez avant de réaliser que vous vous êtes fait manipuler par l'auteur et qu'il s'agit d'une fiction.
Quant à ceux que vous ne connaissez que de nom vous avez envie d'aller vérifier aussi...et d'en savoir plus.
C'est en véritable artiste que l'auteur distille cette envie chez le lecteur...
Mais je vous rassure, il n'est cependant ni nécessaire d'avoir vécu durant ces années-là les événements auxquels il fait référence, ni nécessaire d'avoir des connaissances approfondies en sémiologie ou en philosophie, ni de connaître aucun des protagonistes dont il parle dans le roman pour en comprendre l'action principale.
Mais il vous donnera sûrement envie d'aller y voir de plus près pour savoir qui est telle ou telle personne, ou si tel événement est réel ou pas...
Et si vous n'y connaissez rien, il vous faudra simplement un peu plus d'attention pour suivre l'histoire.
J'ai beaucoup aimé la première moitié du roman. Le suspense est là, les enquêteurs forment un couple improbable mais hilarant.
La visite par le commissaire Bayard de l'université de Vincennes, est totalement désopilante. Imaginez un commissaire complètement réac, débarquant au milieu de gauchistes aux cheveux longs, lançant des slogans ravageurs et abusant de drogues en tous genres...
Mais bon, les jeunes étudiants avaient tous des idées pour changer le monde !
Les clichés se rapportant au polar sont nombreux : les filatures ; la mystérieuse DS noire qui suit les enquêteurs et les témoins, elle-même suivie par la Fuego des japonais qui tentent de les sauver (!) ; le jeune Hamed qui se fait tuer d'un coup de parapluie empoisonné avant d'avoir pu révéler son secret...
Je n'en dirai pas plus !
J'émettrais cependant trois bémols...
1 - A la moitié du livre, j'ai trouvé beaucoup trop de longueurs.
Le listing des personnages devenait si long que j'en ai eu un peu marre de voir arriver encore de nouvelles personnalités dans l'histoire.
2 - L'insertion de la politique a pris un peu trop de place à mon goût ce qui a gâché mon plaisir.
3- Les scènes d'orgies qui étayent le roman m'ont énormément dérangée. Entendons-nous bien...ce n'est pas la description de ces scènes en tant que telles (j'en ai lu et vu d'autres à mon âge !). Non c'est le fait que ce soit des personnages réels et connus qui les vivent et non des personnages fictifs. C'est d'ailleurs la principale critique que je ferai à ce livre.
On a beaucoup dit dans les médias que l'auteur était d'une insolence rare et qu'il osait tout sans expliquer pourquoi. Voilà moi je vous le dis...
Finalement ce qui m'a le plus intéressé, c'est le suspens autour de la septième fonction du langage dite "performative" et les débats autour du pouvoir du langage... ce qui était à mon avis le premier but du livre.
Si vous voulez en savoir plus sur les six autres fonctions rendez-vous en page 145 où un petit cours de sémiologie vous attend...
Imaginons, explique Umberto Eco, une fonction du langage qui permette de convaincre n’importe qui de faire n’importe quoi dans n’importe quelle situation. Celui qui aurait la connaissance et la maîtrise d’une telle fonction serait virtuellement le maître du monde. Il pourrait se faire élire à toutes les élections, soulever les foules, provoquer des révolutions, séduire toutes les femmes, vendre toutes sortes de produits inimaginables, escroquer la terre entière.
Le lecteur sent très bien que l'auteur s'est beaucoup amusé en écrivant cette satire qui, peu à peu, a pris de plus en plus de place dans le roman.
Le lecteur doué de curiosité, apprendra plein de choses en le lisant.
Le jeune lecteur, lui, constatera sans doute que les milieux politiques d'antan ressemblent à si méprendre à ceux d'aujourd'hui :) C'est à mon avis un clin d'oeil malicieux et délibéré de l'auteur.
Car rien dans ce roman n'a été écrit au hasard et cela dénote un certain talent ou un talent certain (comme vous voulez !).
L'auteur est drôle et totalement irrespectueux (certains personnages pourraient même lui intenter un procès...).
Je garde donc un avis mitigé sur ce livre qui ne m'a pas apporté tout le plaisir attendu. Cependant il faut noter qu'il n'a que des critiques élogieuses sur le net et que Bunuel a présenté ce roman avec un enthousiasme contagieux...voilà pourquoi il était dans ma LAL.
Un autre avis chez Zazy qui n'est pas tout à fait d'accord avec moi puisqu'elle a totalement adoré.
Donc c'est à vous de vous faire un avis personnel...
La Grande Librairie