Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Dans les Ardennes belges dévastées par la Seconde Guerre mondiale, Renée est une petite fille juive âgée de 7 ans. Elle a perdu ses parents et a vécu pendant longtemps dans un institut. Là-bas, au château de Soeur Marthe, Catherine qu'elle aimait tant, et qui dormait lors de l'assaut, a été tuée.
Mais c'est difficile de cacher un enfant juif en ces temps de guerre et de délation. La dernière famille prend peur : les SS sont aux portes du village. C'est la contre-offensive allemande et les nazis ne doivent pas la trouver chez eux, car ils ont pour ordre de faire le plus possible de dégâts parmi les civils et n'hésiteraient pas à les tuer tous.
Le père la confie donc au curé. Puis le curé l'emmène en direction de la forêt pour se cacher. Mais que va-t-il faire de l'enfant ? Où vont-ils aller ?
Lorsqu'il rencontre deux américains, il n'hésite pas un instant à leur confier Renée...
Mais tous deux ne sont pas de vrais américains : ce sont des SS infiltrés dans les troupes américaines, chargés de désorganiser les troupes ennemies en place, et d'apporter des renseignements précieux à leur camp.
Ils doivent donc exécuter la petite juive sans tarder.
Au dernier moment, lorsque Mathias la met en joue, il ne peut pas tirer : c'est son compagnon Hans qui s'effondre dans la neige. Qu'a-t-il vu dans le regard noir de l'enfant qui lui a fait dévier son tir ?
Mathias ira chercher au plus profond de lui-même les raisons de son geste, mais fera tout au quotidien pour protéger l'enfant à qui il s'attache de plus en plus...
C'est difficile de ne pas être touchée par cette petite fille aux grands yeux et aux magnifiques cheveux noirs bouclés, si forte pour son âge et si fragile à la fois, qui porte sur le monde qui l'entoure et cette guerre, un regard d'une lucidité déconcertante pour son âge, mais qui dort toujours avec son doudou de chiffons.
De plus, elle ne se plaint jamais et accepte toutes les situations courageusement.
Son intelligence est tout à fait extraordinaire, elle s'adapte à tout et comprend très vite la complexité des événements.
Par intuition, elle ressent aussi avec beaucoup de justesse, les sentiments ambivalents des adultes. Elle comprend leur peur et sait que cela peut s'avérer dangereux pour elle et pour eux.
Après avoir passé quelques jours cachés dans une cabane abandonnée, Mathias confie Renée aux deux familles qui se sont réfugiés dans une cave, dans la ferme de la famille Paquet...
Mais, inquiet, ne pouvant vivre si loin d'elle, il revient à la cave
Entre temps, des "compatriotes" (des américains) s'y sont eux aussi installés. Ils veulent tout savoir de lui et le questionnent sans discontinuer. Ils l'observent sans cesse pour vérifier qu'il est bien américain, même s'il se dit d'origine canadienne par sa mère, ce qui explique qu'il parle très bien français.
Alors Mathias vit de plus en plus dans la crainte d'être démasqué...la crainte de parler allemand dans ses rêves. Il se méfie en particulier de Dan, un vrai américain qui est tombé fou amoureux de Jeanne Paquet qui, elle, du haut de ses dix-huit ans, n'a d'yeux que pour lui, le beau et mystérieux Mathias...
L'auteur alterne le récit de la survie quotidienne dans la cave qui offre une vision tout à fait réaliste de l'état d'esprit de la population en cette fin de guerre, les rencontres violentes entre les SS et la population des petits villages, et les flashbacks où Mathias raconte sa rencontre avec les indiens alors que blessé, il a été soigné avec patience par Chihchuchimâsh...
Car Mathias n'a pas toujours vécu en Allemagne, ni fait parti des allemands engagés.
Un beau matin, il a quitté l'Allemagne et Hitler pour rejoindre le pays natal de sa mère, le Canada. Là-bas, il espérait trouver une certaine sérénité en parcourant les grandes étendues glacées et en devenant trappeur.
Au coeur de la forêt subarctique, il a rejoint un petit groupe de chasseurs-trappeurs qui vivaient de la vente de peaux et qui, comme beaucoup de blancs chassaient sans grand respect pour les animaux tués.
C'est un premier roman.
L'auteur exerce le métier de scénariste. Elle a une écriture particulièrement fluide et facilité, les différents "tableaux".
Mais elle prend le temps de nous laisser voir les personnages tels qu'ils sont, dans leurs contradictions, leurs ambivalences, leurs pensées intimes. Personne n'apparaît uniquement bon ou mauvais.
Chacun émet des doutes, des interrogations sur cette guerre qui n'en finit pas, sur ces horreurs qui changent les hommes à jamais...
Chaque personne n'a qu'une envie au fond d'elle-même, c'est de retrouver une certaine sérénité et la vie quotidienne d'avant.
Mais rien en pourra jamais être comme avant. Les certitudes s'envolent !
Les bourreaux apparaissent parfois si démunis qu'ils en deviendraient sympathiques et en tous les cas, plus humains.
C'est cela qui est troublant dans ce roman.
Le lecteur voit les événements sous plusieurs angles différents et sans porter aucun jugement car le roman donne une vision très réaliste des différents protagonistes.
Enfin il faut noter que l'auteur appuie son roman sur des faits réels : le récit de la contre-offensive allemande en 1944 ; la force de l'opération Grief, initiée par Skorzeny, qui permit à des milliers de SS entrainés de se faire passer pour des américains et de tuer des villages entiers lorsqu'ils débusquaient des juifs cachés parmi la population.
A lire à partir de 15 ans...pour le point de vue différent qu'il apporte sur la Seconde Guerre Mondiale.