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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Le jour où la guerre s'arrêta / Pierre Bordage

Ce livre est paru "Au Diable Vauvert" en septembre 2014 : ce n'est donc pas une nouveauté. Cependant il mérite qu'on s'y arrête un instant.

Le jour où la guerre  s'arrêta / Pierre Bordage

Qui est ce jeune enfant, venu d'on ne sait où et qui semble avoir perdu totalement la mémoire ?

Est-il un petit d'homme ou un extraterrestre ?

 

Personne ne le sait...Au début du roman il se retrouve à Paris et découvre les conditions de vie d'un SDF et de son chien.

Lui qui sait lire dans les âmes et deviner les souffrances des hommes, est étonné par la violence des conflits et les injustices qui sévissent sur la terre ainsi que par la noirceur du coeur des hommes.

"Vous n'avez ni l'un ni l'autre le désir réel de mourir. Vous vous appliquez à jouer à la guerre parce qu'on vous l'a ordonné, mais je sais que vous préféreriez jouer à d'autres jeux. Si vous le souhaitez, je prie nos amies les balles d'accomplir à nouveau la besogne pour laquelle elles ont été conçues...(p 62)

 

 

Après avoir exploré plusieurs pays du monde où le jeune enfant se transporte avec la seule énergie de la matière, avec qui il peut entrer en communication, celui-ci fait le constat accablant que les hommes sont partout malheureux, en manque d'amour et obligés d'obéir à plus fort qu'eux.

"Je méditai un temps leurs paroles avant de murmurer :
"Ainsi, dans le pays des hommes, certains décident pour d'autres de la conduite à suivre. Ça veut dire que ces autres ne sont pas capables de se diriger eux mêmes."(p.66)

 

Le jeune garçon décide alors de demander à la matière de faire taire les armes.  La matière lui accorde un délai de 7 jours...

"La tâche ne fut pas aussi aisée que je l'avais supposé.
J'établis le silence en mon âme, l'étendis aux confins de ce monde, puis neutralisai, avec leur aimable autorisation, toutes les machines de guerre, roulantes, volantes, flottantes, sophistiquées, rustiques, petits et grands flingues, feu, fer, gaz, poison, plomb, atomes, billes, balles, lames, tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, déchirait les chairs, éventrait la Terre, détruisait les cités, incendiait les végétaux, massacrait les animaux. Les armes se révélaient si nombreuses et diverses que je ne pus me retenir d'admirer l'ingéniosité des êtres humains.
La matière m'accorda finalement une trêve de sept jours." (69)

 

7 jours à partir du moment où la guerre s'arrête, 7 jours que l'enfant va mettre à profit pour explorer le monde, comprendre qui il est et d'où il vient, et surtout se rendre à New York au siège de l'ONU afin de rencontrer les chefs d'État.

 

Bien sûr personne ne le croit lorsqu'il déclare qu'il est celui qui a stoppé les armes et tout le monde redoute plutôt l'action d'un réseau terroriste.

 

Même les médecins rencontrés sur sa route, les croyants, les gourous ou autres "maîtres" censés aider leur prochain, ne pourront rien pour l'enfant, ni l'aider à savoir qui il est, ni d'où il vient...

"Je vis que Père et Docteur se ressemblaient même s'ils se chamaillaient sur des points de détail : les structures de leurs hiérarchies s'étaient cristallisées en eux. L'un, sectateur féroce de la médecine, l'autre; apôtre zélé de l'Eglise du dénommé Jésus Christ, avaient étouffé la subtile musique de leurs âmes pour permettre au lourd fracas des dogmes de résonner par leurs bouches. Il ne me servirait à rien de tenter de les convaincre."(p88)

 

 

Quelle est sa véritable mission sur la terre ? En a-t-il une d'ailleurs ?

Qui est cette femme au visage doux qui subsiste dans ses pensées ?

Comment arrive-t-il à parler aussitôt la langue des hommes qu'il rencontre ?

Et à communiquer avec les animaux ? A lire l'âme des vivants ? A voir celle des morts ? Et à communiquer avec la matière ?

 

Vous en saurez davantage en lisant ce conte moderne...dont voici encore quelques extraits (à méditer).

 

" - La trêve a peut-être été demandée par amour. [dit le petit garçon]

- Tu es encore bien naïf, mon garçon : rien ne se fait par amour sur cette Terre.

Les paroles de la femme noire m'emplirent d'une tristesse insondable. Je sus que la vérité s'écoulait par sa bouche et que les êtres humains continueraient d'errer dans les profondeurs de leurs abîmes tant que l'amour ne serait pas le fil essentiel de leur trame". (p 158)

 

 

"Les enfants ne jouissaient vraiment d'aucune considération dans le pays des hommes : non seulement ils n'étaient pas invités à réfléchir et à chercher des solutions avec les chef de l'humanité, mais ils n'étaient pas censés aborder des sujets aussi simples et fondamentaux que l'être et la pensée. " (p.180)

 

 

"Je m'abstins de leur dire que le miracle n'était pas un événement exceptionnel, que le miracle était la norme, que leurs vies étaient elles-mêmes des miracles, que l'univers entier était un miracle."(p.248)

 

Ce que j'en pense

 

Dès le début du livre le lecteur est surpris par le style de l'auteur...

Sa curiosité se trouve aiguisée par les questions de l'enfant dont on ne sait rien. Le lecteur se prend très vite d'affection pour ce petit être perdu au milieu des hommes.

 

 

L'enfant veut rencontrer des gens et les questionner pour trouver quelqu'un qui lui ouvrira la voie vers sa propre âme.

Et chacune de ses questions sonne juste.

 

Lui qui découvre notre monde avec les yeux innocents d'un enfant, nous place face à l'absurdité des décisions humaines.

Il nous montre comment nous nous mentons à nous-même, ou comment nous nous voilons la face pour moins souffrir et soigner notre égo immense au détriment de notre bonheur.

 

En plaçant son personnage principal dans des situations diverses, parfois extrêmes, de notre civilisation comme la rencontre avec un gourou, un maître de l'islam, un curé, un psychologue... l'auteur l'amène à influencer le monde qui l'entoure et à tenter de changer les hommes.  Par ses questions, il arrive même à leur faire prendre des décisions surprenantes.

 

C'est un conte philosophique, donc un livre intelligent qui nous interpelle et nous remet à notre place. Il nous parle de croyances religieuses, d'amour, de fraternité, d'écologie, de protection de l'environnement ...

Il est empli d'humanité et non dénué d'humour, ce qui ne gâche rien et il vous fera pénétrer à l'intérieur même des pensées humaines.

 

Cependant il faut noter qu'en tant qu'adulte, ayant déjà réfléchi à beaucoup de choses sur les hommes et sur notre terre :) je l'ai lu assez rapidement sans entrer véritablement dans les interrogations de l'enfant car au bout d'un certain nombre de pages je savais à quoi m'attendre.

Les questions m'ont paru souvent trop naïves et la phrase prononcée par le petit garçon à chacun de ses départs, je cite : "je l'entourai (ou je les entourai) de tout mon amour et m'éloignai", phrase qu'il adresse aux personnes avant de les quitter, m'a semblé trop répétitive.

Même si je suis d'accord avec l'idée d'amour inconditionnel, il y a certains personnages du livre que je n'ai pas du tout envie d'entourer d'amour...

Cette naiveté extrême de l'enfant est sans nul doute totalement voulue par l'auteur qui nous implique ainsi davantage dans les réponses car nous les connaissons déjà, bien évidemment...

 

J'ai trouvé aussi que les personnages du livre sont pour la plupart trop caricaturaux, ce qui m'a souvent gênée pour adhérer sereinement à cette lecture.

 

La fin par contre n'est pas vraiment prévisible et d'ailleurs nous laisse un peu sur notre "faim".

 

C'est cependant un livre qui saura toucher son public et qui, par les temps qui courent, fait du bien.

On peut le faire lire aux ados dès 15-16 ans : ils seront, je pense davantage touchés qu'un public adulte par le questionnement de ce jeune garçon aussi mature et naïf que "Le petit prince" de Saint-Exupéry. Cependant ce conte moderne reste bien en dessous de ce dernier tout en apportant un autre regard sur notre monde.

 

Les enseignants pourront aussi trouver matière à débattre de ces sujets d'actualité en proposant ce livre à leur classe.

 

Et si les armes se taisaient enfin pour de bon...voilà un débat intéressant.

 

 

Ce roman-conte est très différent des autres livres de l'auteur comme par exemple la trilogie que j'ai lu, dont "Ceux qui sauront" est le premier titre.

 

Né en 1955 en Vendée, Pierre Bordage vit près de Nantes.

Auteur d'une quarantaine de romans et de près d'une trentaine de nouvelles, cet auteur prolifique est considéré comme un grand écrivain de l'imaginaire.

Ses nombreux ouvrages s'adressent à des lecteurs de tout âge et sont devenus des classiques incontournables.

Il nous livre souvent une oeuvre utopique ce qui lui a valu de nombreuses critiques.

Il a par ailleurs reçu des prix prestigieux, comme le Grand Prix de l'Imaginaire et le Prix Julia Verlanger (pour "Les guerriers du silence" en 1994), le Prix Paul Féval de Littérature Populaire (pour "Les fables de l'Humpur" en 2000), le Prix Bob Morane (pour "l'évangile du serpent" en 2002). Les organisateurs du Prix Bob Morane lui ont décerné, à l'occasion des 10 ans du prix en 2008, le titre du Meilleur auteur francophone des dix dernières années...

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V
Un genre de Petit Prince dans un roman pour adulte. Le même éveil de conscience...
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M
Tout à fait ! Ce roman a d'ailleurs été beaucoup comparé au Petit Prince de Saint-Exupéry...
M
Ne dit-on pas : la vérité sort de la bouche des enfants ? Mais les grandes personnes ont oublié qui ils étaient. Roman étrange dont on aimerait approuver le thème.
Répondre
M
Oui et ce genre de livres est fait pour cela : nous rappeler comment on voyait le monde à travers nos yeux d'enfants et comment les décisions des adultes nous surprenaient...