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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Le maître des apparences / Jane Gardam

Le maître des apparences / Jane Gardam

En avant première de sa sortie, prévue en fin de semaine prochaine chez l'éditeur JC Lattès, je vous présente ce roman, envoyé par Cultura pour me consoler de n'avoir pas été acceptée dans le comité de lecture de la rentrée littéraire 2015.

Dommage, car j'avais plein de temps pour lire cet été et j'étais tenté comme tant d'autres par l'expérience...

 

Ce roman est le premier d'une trilogie dont les deux autres tomes paraîtront l'année prochaine.

A noter : En fait, il ne s'agit pas à proprement parler d'une suite mais plutôt de la même histoire, vue selon le  point de vue de deux autres personnages qui apparaissent déjà dans le premier livre.

 

 

Voici l'histoire

 

Le Vieux Filth (Edward, Eddie, Feathers....il a plusieurs noms au cours du roman), a presque quatre-vingts ans maintenant.  Il est veuf depuis peu et passe sa retraite dans un paisible village du Dorset.

Jusqu'à la mort subite de sa femme Betty, il menait une existence bien rangée.

Mais depuis qu'il est seul avec ses domestiques, il se lâche un peu et s'autorise à ouvrir les portes de son douloureux passé, ce qui l'amène à voyager à nouveau à la recherche des personnes qu'il a aimé...

Le lecteur découvre alors un homme sensible qui a, toute sa vie, réprimé ses désirs et caché ses déceptions et sa fragilité.

 

***************************************

 

L'enfance à la Dickens...

 

Edward est né en Malaisie, mais sa mère meurt en lui donnant le jour. Son père, Alistair Feathers, un homme indifférent, ne désire même pas faire sa connaissance. C'est un chef de district respecté et le petit Edward est pris en charge par une nourrice du village qui l'élève comme son propre fils au sein de sa famille.

Il est brusquement retiré à sa nourrice alors qu'il n'a pas encore cinq ans pour être envoyé en Angleterre sous la bonne garde de Tante May, afin d'y recevoir une éducation digne de son rang. Comme la plupart des enfants que l'on appelle les "orphelins du Raj", il vivra loin des siens toute sa vie.

Finis pour lui, les jeux au village avec Ada, sa "soeur" de coeur, les baignades, l'insouciance...

Sur le bateau qui l'emmène loin de ceux qu'il aimait tant, il est mutique mais découvre un peu le monde. Lorsqu'il s'exprime à voix haute (en anglais maintenant), c'est en bégayant.

 

La famille adoptive du Pays de Galles,  chez qui il séjourne ensuite avec ses deux jeunes cousines, Babs et Claire, est une famille cynique et violente qui maltraite les enfants. Ils ne sont pas les seuls enfants à séjourner là-bas...

Lorsque le drame survient (le lecteur n'en aura connaissance qu'à la toute fin du roman), les enfants seront séparés pour toujours.

 

 

La découverte de l'amitié...

 

Edward qui a tout juste 8 ans, atterrit chez alors "Monsieur", un ami de la famille, qui dirige une école pour garçons, école à la discipline de fer, où il emmagasine des connaissances et construit son avenir. 

Feathers (dans cette école on appelle les garçons par leur nom de famille) va se faire un véritable ami en la personne de Patrick Ingoldby, de un an son aîné. La famille de "Pat" l'accueille pendant les petites et grandes vacances, comme s'il était un des leurs.

Durant ces années, Edward est toujours sans nouvelles de son père qui assure pourtant sa vie quotidienne et ses études en envoyant de l'argent. Il s'attache aux Ingoldby et est en adoration devant la mère de Pat.

 

 

L'adolescence solitaire...

 

A 14 ans les garçons sont obligés de quitter "Monsieur" pour se rendre à la "Public School". C'est cet été-là, en 1936, qu'Eddy rencontre chez Pat, sa cousine Isobel, un peu bizarre et excentrique, amoureuse de Jack, le frère aîné de Pat. Il connaît avec elle ses premiers émois d'adolescent : elle le trouble énormément mais il refusera ses avances, ce qui lui donnera du regret toute sa vie !

Lorsqu'ils se reverront des années après, la plupart des êtres aimés auront disparu.

 

Mais c'est la Seconde Guerre mondiale et l'avion de Jack, le fils aîné des Ingoldby, s'écrase au dessus du Channel. La famille Ingoldby s'enferme dans sa douleur et son patriotisme et coupe les ponts  avec Edward qui a une nouvelle déception car il se sent rejeté par une famille dont il pensait faire désormais partie intégrante.

 

C'est alors que son père, craignant pour sa vie en Europe, refait surface et décide de le rappeller auprès de lui. Edward se rend donc chez ses tantes qui ne se sont jamais souciées de lui et qui sont chargées de le garder chez elles pour préparer son départ. En attendant, il doit se rendre à Oxford pour passer son examen d'entrée, c'est là-bas qu'il rencontre Babs qu'il n'avait pas revu depuis le drame de leur enfance.

Dans le train du retour, un nouveau drame le frappe : il apprend dans le journal, la mort de Pat qui s'était engagé...

 

Le premier voyage de retour...

 

Voilà donc, en route pour Colombo afin de rejoindre son père, un Edward âgé de 17 ans, bien amoindri psychologiquement et déçu de devoir partir (il est mineur et se doit d'obéir à son père). Il ne sait pas que son destin est tout autre et ne lui permettra pas de revoir son père vivant. Eddie tombe gravement malade en route et sera finalement rapatrié vers l'Angleterre.

Après des mois de soins et de convalescence, il obtient enfin son diplôme de droit à Oxford en deux ans et il est admis au barreau.

 

Le second voyage de retour...

 

Son destin hors du commun, le mène à Hong Kong où il travaille comme avocat dans les litiges liés aux constructions. Il sera pendant de nombreuses années un avocat international de renom, mettant en appliquation les valeurs chinoises : courtoisie, hospitalité, discrétion...

Il rencontre Betty, écossaise d'origine mais chinoise de coeur, qu'il épouse. Elle aimerait avoir des enfants mais lui non, et finalement ils se résignent en apparence à l'absence d'héritier.

 

La retraite...

 

Lorqu'il prend sa retraite, le couple quitte Hong Kong qui vient d'être rétrocédé à la Chine, revient en Angleterre et s'installe dans le Dorset. Betty se rend utile comme elle peut : elle s'occupe du jardin, donne de son temps à l'église du village. Peu avant sa mort, elle enterre des perles dans le jardin en plantant ses bulbes de tulipes. Ces perles "coupables" dévoilent au lecteur un pan secret de la vie de Betty dont il ne se doutait pas... En effet, Betty a  eu une relation avec Terry, un avocat brillant de Hong Kong, le principal rival de Filth, que le destin va amener à acheter la maison juste à côté de chez eux peu de temps après la disparition de Betty.

 

Mais Filth n'en reste pas là, il ne peut rester seul plus longtemps et les réminiscences de son passé lui font prendre la route à nouveau...

Mon avis

 

En parcourant la vie de son personnage principal aux multiples facettes, ce roman retrace des décennies d'Histoire de l'Empire britannique, de sa gloire à son déclin en passant par les difficultés de la Seconde Guerre mondiale.

 

L'histoire est racontée à travers de nombreux flashs-backs. La description des personnages est très détaillée : leur façon de s'habiller, de se tenir, de se parler, leur rigidité,  leur dureté apparente qui cache le plus souvent leurs faiblesses... Tout est calculé pour nous mettre dans l'ambiance de cette époque où les hommes en particulier ne devaient rien montrer de leurs sentiments.

 

Ce n'est pas du tout un livre triste même si l'enfance d'Edward n'est pas des plus heureuses. 

Ce roman est riche en rebondissements et imprégné d'humour typiquement anglais. Il y a aussi de l'aventure, des rencontres loufoques et originales et des situations émouvantes.

Il se lit facilement et l'auteur déploie son talent pour attiser notre curiosité en distillant petit en petit les informations indispensables pour comprendre l'histoire... Du coup, le lecteur veut en savoir plus sur les secrets de famille, le pourquoi des situations vécues.

 

On y apprend aussi la triste destinée de ceux qu'on a surnommé les "orphelins du Raj". 

En effet, lors du démantèlement de l'Empire britannique, beaucoup d'enfants ont été rapatriés en Angleterre alors que leur famille restait en orient. Ils ont souffert de cette séparation et, le plus souvent, ils n'ont jamais revu ou n'ont plus eu de liens avec leurs parents.

De plus, ils ont vécu les pires angoisses lors de leurs longs voyages en bateau vers l'Angleterre.

Leurs traumatismes ont entrainé des modifications psychologiques profondes qui les ont rendus différents de ce qu'ils auraient pu devenir, les empêchant de montrer leurs sentiments, de donner et de recevoir de l'amour et donc d'être vraiment heureux. 

Ceci explique la complexité psychologique de notre héros.

 

Car  Filth ne change pas seulement de nom : il est au départ le petit Eddie, puis Feathers, puis le juge Edward Feathers, Fevvers, FILTH (surnom acquis grâce à la plaisanterie «Failed in London, Try Hong Kong = Échec à Londres Essayer Hong Kong." ), le maître de l'Inner Temple et enfin à la retraite  Sir Edward Feathers....

Chaque changement dans sa vie entraine un changement dans sa personnalité et dans son apparence qui cache de lourdes souffrances et des secrets inavouables.

 

 

Ce roman est le premier tome d'une trilogie d'un auteur que je n'avais jamais lu jusqu'à présent. C'est un roman qui se lit facilement et qui est arrivé à me toucher. J'ai donc envie de lire les autres tomes.

 

Ce "maître des apparences" sera suivi par "Le Choix de Betty" dans lequel le lecteur entre davantage dans la vie de Betty (Elisabeth) la femme de Filth.

Dans ce second roman qui n'est pas vraiment la suite mais plutôt la même histoire vue du point de vue de Betty, le lecteur la découvrira différente...une femme moderne, en avance sur son temps, quasi féministe qui a pourtant eu une enfance traumatisante elle aussi. Sa vie aux côtés du rigide Filth n'a rien de facile, on s'en doute, mais le lecteur ne sera pas au bout de ses surprises...

 

Le troisième tome s'intitule "L'éternel rival" et raconte l'histoire du point de vue de Terry. On y retrouve son enfance et sa vie jusqu'à sa rencontre avec Filth et...Betty.

 

Petite biographie de l'auteur

 

Jane Gardam est un auteur de fiction née le 11 Juillet 1928, à Coatham dans le Yorkshire en Angleterre. Son père était instituteur mais rêvait de retourner à la terre de ses ancêtres (son propre père était fermier) et sa mère rêvait d'écrire.

A l'âge de huit ans elle découvre le plaisir de lire en fréquentant une petite bibliothèque locale.

Après ses études d'anglais à l'Université de Londres, elle obtient son diplôme et une maîtrise sur "Lady Mary Wortley Montagu". Puis elle  travaille comme bibliothécaire dans les hôpitaux et comme journaliste en particulier pour le journal "Time and Tide", avant d'écrire pour les enfants.

 

Son mari est avocat : il est spécialisé dans les problèmes de construction (comme Filth !) et a beaucoup voyagé à l'étranger.

Ils ont trois enfants et c'est lorsqu'on son petit dernier rentre à l'école que Jane Gardam se met à écrire. Elle a presque 40 ans.

En 2009, elle est nommée "Officier de l'Ordre de l'Empire Britannique".

 

Son premier livre a été un livre pour enfant. Peu importe qu'il ait connu du succès ou pas.

Il fallait qu'elle écrive, qu'elle publie, c'était vital pour elle, la seule façon de vivre et d'être heureuse. "It was just what I had to do. It seemed the only way to live to me, to be happy." confie-t-elle au journal The Guardian.

 

Peu connue au niveau international, Jane Gardam a obtenu de nombreux prix dans son pays.

 

Parmi son oeuvre prolifique, elle a écrit une douzaine de livres pour la jeunesse dont "Un poney dans la neige", "Peur de rien, peur de tout", "Une éducation sentimentale", des récits et nouvelles comme "L'homme vert" et une dizaine de romans dont "L'été après les funérailles".

 

Certains n'ont jamais été traduits en français, d'autres ne sont disponibles que d'occasion...

 

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V
Sympa de la part de Cultura d'envoyer un lot de consolation ! Ce roman à l'air très bien. Je ne sais pas si c'est moi, mais cette rentrée littéraire m'a l'air d'être un bon cru !
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