Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
L'histoire
Lia, vingt ans à peine, se retrouve dans la maison de son arrière-grand-mère Alice qui vient de mourir dans son sommeil à 90 ans. Il y aussi Sol (Solange), sa grand-mère âgée de 70 ans (la fille d'Alice), Agnès, sa mère âgée de 47 ans (la fille de Solange) et enfin Marie l'amie intime d'Alice. Là, dans les Landes où Lia a passé la plupart de ses vacances durant son enfance et son adolescence, les souvenirs affluent.
Chacune gère à sa façon, d'abord l'enterrement, puis les premiers jours du deuil. Lia est un peu perdue et étouffe dans cette maison, entourée de femmes beaucoup trop protectrices qui veulent lui éviter toute souffrance.
Solange, comme d'habitude, s'emploie à tout gérer pour ne pas s'arrêter sur ses sentiments. Agnès se laisse porter par les événements sans rien dire ou presque. Marie surmerge et a besoin de sortir de la maison : elle fait le marché, rassure son monde et ouvre une petite bouteille pour se changer les idées. Pour elle, il faut que la vie continue à tous prix...
Alors que Lia range la chambre d'Alice avec sa mère, elle découvre sous l'armoire, dans une boîte à chaussures poussiéreuse, des lettres datant des années 50 et un carnet ayant appartenu à Alice.
Ses écrits révèlent aux deux femmes un lourd secret : Alice, devenue veuve très jeune, a toujours décrit Pierre, son mari, comme un mari parfait, un héros de la résistance et ne s'est jamais remariée. Or en fait, les lettres démontrent que Pierre l'avait abandonné, alors que Solange n'était encore qu'un bébé, pour se marier avec une autre femme à Bordeaux. Marie était au courant... Solange, qui finit par découvrir le carnet, est effondrée, Agnès n'y comprend plus rien, et Lia se révolte d'autant plus que Marie lui apprend que Pierre n'est pas mort...
Pourquoi son arrière-grand-mère a-t-elle menti toute sa vie à ses proches ? Comment était-ce possible, de se marier sans avoir divorcé au préalable ?
Chacune va s'interroger sur ses propres comportements amoureux et se demander si ce secret, jalousement gardé par leur aïeule, n'est pas responsable de leur propre façon d'aimer...
Peu à peu les mois passant, Lia va comprendre certains éléments de son histoire familiale et personnelle. Elle va se poser beaucoup de questions et questionner sa mère sur son propre vécu, sur son père qui vit en Italie et qu'elle ne connaît pas.
Elle cherchera à comprendre pourquoi les hommes ont toujours été exclus de la famille et pourquoi, toutes les femmes qui l'entourent, semblent être incapables d'aimer.
En effet, Alice ne s'est jamais remariée. Sol qui a pourtant accumulé les conquêtes, n'a pas pu garder un seul de ses nombreux maris, aucun n'ayant réussi à trouver grâce à ses yeux. Quant à Agnès, la mère de Lia, elle a peur de s'engager et fuit dès qu'elle tombe amoureuse et que sa relation devient sérieuse.
Lia est finalement la seule à être lucide et à ne pas continuer à vivre comme avant et comme s'il ne s'était rien passé.
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Ce que j'en pense
C'est la couverture qui m'a attirée et donnée envie de le lire. Elle est un peu passée de mode, cette image de couverture montrant des femmes à leur ouvrage, tricot ou couture, mais qui me rappellent ma grand-mère et aussi un peu ma mère (les petites socquettes dans les sandales marquent toute une époque et m'émeuvent plus que de longs discours).
C'est un premier roman qui se lit facilement mais qui, malgré quelques maladresses et de nombreuses critiques sur la toile, n'est pas du tout à jeter aux oubliettes.
D'abord, je l'ai trouvé agréable à lire et accessible. Et,
De plus l'auteure est courageuse : elle s'attaque à un sujet déjà visité, celui du secret de famille. Si elle nous parle d'amour, de coup de foudre, de passion et d'attachement, elle nous parle aussi de liberté et d'émancipation féminine.
Ensuite elle nous donne à voir un environnement uniquement féminin où les hommes sont là mais en toile de fond seulement. Le portrait qui est fait de ces hommes n'est pas très flatteur, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais il faut noter que celui qui est fait de ces femmes, attachantes certes, avides à donner de l'amour, mais qui ne savent pas recevoir, plus les mensonges qu'elles sont capables de garder toute une vie, valent largement la lâcheté des hommes. ...
Ce qui est intéressant dans ce roman c'est le fait que ce secret marque toutes les femmes inconsciemment par le biais de l'éducation qu'elles reçoivent de leur mère. Alice est rigide avec Solange parce qu'elle est malheureuse d'avoir été abandonnée et qu'elle a honte. Solange retransmettra cette éducation à Agnès en l'obligeant à être autonome jeune, en critiquant les hommes devant elle mais en accumulant les conquêtes pour lui montrer qu'être libre, c'est ne pas s'attacher. Ce que mettra en application Agnès...
Le poids psychologique du secret est bien réel. Chacun(e) a le droit de connaître ce qui touche à ses origines. Tous les psychologues et psychanalystes sont d'accord pour dire que des traumatismes pour les générations futures. Lire par exemple à ce sujet l'article de Serge Tisseron ICI.
Je conseillerai donc la lecture de ce aux jeunes adultes et aux lycéen(e)s car le sujet ne manquera pas de les intéresser.
En effet il faudra bien, pour se construire et avancer dans sa propre vie que Lia s'affranchisse des mensonges des adultes même si elle aime de tout son coeur toutes ces femmes...
Enfin, je trouve que dans ce type de sujet grave, le happy end est un clin d'oeil plein d'espoir pour tous les jeunes qui se cherchent et qui connaissent des déboires amoureux ou familiaux. Après toutes ces vies vécues à moitié à cause des non-dits douloureux c'est un peu de fraîcheur dans notre monde de brutes.
Sur la toile il y a beaucoup de critiques négatives pour ce roman. Pourquoi tant de haine ? Que vous a fait cette jeune auteure qui nous livre ici son premier roman ? Moi je trouve qu'elle n'a pas encore dit son dernier mot et je suis sûre qu'elle saura toucher des lecteurs et des lectrices. Elle nous raconte, avec peut-être quelques incohérences, tout un pan de l'histoire des droits des femmes. Même s'il reste quelques questions...
Comment un tel secret n'a-t-il pas été dévoilé ? Comment la fameuse cousine qui a découvert la publication des bans à Bordeaux a-elle fait pour ne pas aller plus loin dans ces investigations ?
Qu'importe toutes ces questions !!
Un peu d'histoire...
La publication des bans date du Moyen âge. Elle permettait d'éviter les liens de consanguinité car à l'époque les mariages entre cousins ou membres de la même famille étaient fréquents et posaient des problèmes moraux et de santé publique graves. L'union pouvait donc être contestée par un tiers.
Aujourd'hui la publication des bans a surtout pour but de faire connaître leur intention de mariage à la population et de permettre, preuves à l'appui de dévoiler un problème et de s'opposer au mariage. Exemples : si une des personnes est déjà mariée (il est interdit en France de se marier si le premier mariage n'a pas été dissous par un divorce), si une personne a subi une contrainte en vue du mariage, si un ou une mineure n'a pas le consentement de ses parents... Voilà pourquoi il faudra au moins 10 jours pour se marier entre la publication des bans et la cérémonie.
Donc il était tout à fait possible en 1950, vu le peu de moyens de communication de l'époque, de se marier dans une autre ville distante où on ne connaissait personne. Les registres d'Etat civil existaient bien sûr mais n'étaient pas infaillibles (les personnes n'ont plus comme aujourd'hui) et ce genre d'histoire a pu réellement exister.
Aujourd'hui on a du mal à comprendre Alice. C'est vrai que si elle l'avait voulu, lorsqu'elle l'a appris, elle aurait pu faire dissoudre le second mariage ou divorcer. Elle aurait eu la loi pour elle. Mais ces choses-là ne se faisaient pas à l'époque, tout simplement !
Rappelez-vous, les femmes n'ont acquis le droit de vote en France qu'en 1944, le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes n'a été posé qu'en 1946 et les femmes mariées peuvent ouvrir un compte en banque ou exercer un métier sans l'autorisation de leur mari seulement depuis...1965 !
Note importante :
Hé oui vous voyez, tout un jury me donne raison !!