Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Grande romancière canadienne, l'auteur est surtout connue grâce à son roman "Pélagie-la-Charrette" paru en 1979 chez Grasset et qui a obtenu le Prix Goncourt cette année-là. Je me souviens l'avoir lu avec plaisir et c'est donc de bon coeur que j'ai récupéré "Les Cordes-de-bois" dans un carton de dons que je n'avais pas encore eu le temps de trier...
Ce roman-là est le premier long texte de fiction de l'auteur. Il a été nominé au Goncourt en 1977.
Quel plaisir de lecture ! Que d'humour dans cette fresque villageoise des bords de mer en Acadie qui s'étale sur quatre générations !
Il faut juste un peu de temps pour s'habituer aux expressions, au style d'écriture et aux personnages parmi lesquels, à vrai dire, on se perd un peu quelquefois...
Les "Cordes-de-bois" c'est le nom donné à une partie du village habité par un écossais, Franck Mac Farlane, qui fait commerce dans le bois...
Comme je ne connaissais pas ce terme de "corde de bois" j'ai cherché...et trouvé des infos sur le net. On en apprend des choses sur le monde en lisant des romans...
La corde de bois est une unité de mesure du bois (de chauffage) anciennement utilisé en France (avant la Révolution française). La quantité de bois correspondait à la longueur d'une corde entourant les bois coupés, bien alignés et entreposés. A noter la longueur de la corde variait entre 6 à 13 mètres selon les régions !
Cette unité de mesure du bois est encore utilisée aujourd'hui dans les Ardennes belges, en Bretagne et Normandie ainsi que par certains forestiers. Elle est toujours très utilisée au Canada et aux Etats-Unis où elle correspond à une unité légale de vente pour le bois de chauffage.
L'histoire
Dès l'arrivée de leur premier ancêtre au XIXe siècle, ces femmes habitent la butte et qu'on appelle le bois ou le haut du champ.
Au village, le forgeron, le barbier, le curé et s'appliquent à faire disparaître ces femmes un peu fofolles qui menacent la moralité des jeunes filles à marier du village.
Car ces "garces" (ces filles en acadien) s'adonnent en plein jour à différents trafics (dont celui de la chair !) et Patience croque sans vergogne ceux du Pont dans ses caricatures...et lettres anonymes qui n'en sont pas.
Un jour Franck Mac Farlane commence à entasser du bois sur la butte, espérant déloger les femmes. Elles y restent et ne semblent pas être gênées au milieu des cordes de bois.
Toute la racaille du pays vient s'y installer aussi, au dire de "ceux du Pont" : les fainéants, les artistes, les contrebandiers dirigés par la Bessoune comme avant elle, sa mère, la Piroune l'a fait.
La guerre continue
Mais voilà qu'arrive au village, un jeune vicaire.
De plus, le jeune vicaire a soutenu ouvertement les femmes. Une pétition le dénonce et l'oblige à quitter les lieux...
La Bessoune se jettera à l'eau de chagrin (tiens donc ?!), mais sera sauvée trois fois par le jeune matelot-conteur d'histoire,
Un régal ! Une langue, le vieux français acadien, très imagée à lire à voix haute avec l'accent pour encore mieux la comprendre, s'en imprégner et en saisir la saveur...mais pas toujours facile à comprendre, il faut bien le dire.
L'auteur dira dans une interview :
« J’écris tout haut… dans une langue fort ancienne, amenée du Poitou, d’Anjou, de Charente, de Bretagne et de Touraine, le jardin de France ; mais transplantée en sol maritime d’Amérique où les vieux mots de France se sont curieusement embrouillés de bruits de la mer et parfois de terminaison anglo-saxonnes. »
Le décalage est créé par le fait que la narratrice interroge les gens du pays (Pierre à Tom, la centenaire Ozite, le cousin Thaddée, le forgeron, le barbier et bien d'autres personnages) qui livrent en quelque sorte leurs souvenirs. Les « conteux – colporteurs – défricheteux de parenté », comme les appelle la narratrice, racontent les faits comme autant de chroniques avec des dons de conteurs incontestables... mais aussi beaucoup de contradictions !
L'histoire de ce village n'est pas linéaire... Tout se brouille, les histoires s'interfèrent...les personnages, les faits et les temps se mélangent...