Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Je m'étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.
Je me suis installé pendant six mois sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord.
...
J'y ai emporté des livres, des cigares et de la vodka. Le reste_ l'espace, le silence et la solitude_ était déjà là.
Ce récit de voyage, parfait à lire en cette saison pour nous rafraîchir un peu, raconte la vie quotidienne de Sylvain Tesson lors de son séjour en Sibérie. Il avait déjà fait un bref voyage sur les bords du lac Baïkal quelques années auparavant et s'était promis d'y retourner. C'est donc tout naturellement que, désireux de faire un break dans sa vie trépidante d'occidental, il se décide à s'exiler pour s'installer dans une isba, perdue dans la forêt.
Lorsqu'il part là-bas, il est plutôt dépressif et bien décidé à se retrouver, à se reconnecter à la nature et à renouer avec les gestes du quotidien. Et s'il ne peut changer le monde autour de lui, il va tenter de changer le regard qu'il porte sur lui.
La plupart d'entre nous n'aurait pas choisi de s'exiler dans un lieu aussi isolé pour retrouver le moral. Lui va y vivre durant six mois, de la fin du mois de février à juillet 2010, seul ou presque, car à plusieurs jours de marche du premier village.
Il va vivre de ses propres ressources, avec beaucoup de provisions tout de même et surtout une quantité d'alcool phénoménale, ce qui est à mon avis, la preuve qu'il ne va pas bien du tout.
Lorsque le dégel va faire sortir les ours de leur hibernation, on lui donnera deux chiens et un fusil et des fusées pour se protéger...
Il mène donc une vie rude mais qui lui laisse tout le temps nécessaire pour lire, réfléchir et rêver à un autre monde mais aussi pour être visité à l'occasion par des touristes russes (très riches) de passage ou quelques amis ou voisins des bords du lac...
Sa vie est tout de même plutôt solitaire à tel point qu'il se compare souvent à un ermite.
Les conditions de vie sont extrêmes même si le voyage a été fort bien préparé et que les habitants proches veillent en quelque sorte sur lui, à leur façon, car en février c'est encore l'hiver et le temps est long quand on ne peut sortir que quelques heures par jour.
Il passe donc beaucoup de temps à marcher au dehors pour explorer les sommets proches le temps d'un bivouac, ou bien à observer la nature et surtout les oiseaux (des mésanges en particulier) qui s'approchent de son isba et viennent récupérer de plus en plus en confiance les miettes laissées sur le rebord de la fenêtre, chose qu'il n'avait apparemment jamais vécu dans sa vie, mais aussi les migrateurs qui arrivent dès les beaux jours.
Mais, et c'est ce qui compte pour lui, il va retrouver le goût de vivre, grâce à tous les gestes qu'il doit fournir pour subvenir à sa vie quotidienne, comme fendre le bois pour se chauffer, casser la glace pour récupérer de l'eau quel que soit le temps, allumer le feu, pêcher pour avoir quelques provisions supplémentaires et mettre un peu de variété et de vitamines dans ses repas...
Et lui qui ne savait pas au départ s'il serait capable de "se supporter" va traverser cette épreuve haut la main... et retrouver la paix, enfin c'est ce qu'il nous dit.
Un bois n’a jamais refusé l’asile. Les princes, eux, envoyaient leurs bûcherons pour abattre les bois. Pour administrer un pays, la règle est de le défricher. Dans un royaume en ordre, la forêt est le dernier bastion de liberté à tomber.
Comment mesurer le confort de ces jours libérés de la mise en demeure de répondre aux questions ? Je saisis à présent le caractère agressif d'une conversation. Prétendant s'intéresser à vous, un interlocuteur fracasse le halo du silence, s'immisce sur la rive du temps et vous somme de répondre à ce qu'il vous demande. Tout dialogue est une lutte.
Voilà un livre difficile à résumer qui nous livre les réflexions quotidiennes de l'auteur et une expérience de vie très personnelle mais pour moi ce n'est pas un essai et je suis donc surprise qu'il ait obtenu le Prix Medicis essai en 2011.
Je suis souvent admirative quand je lis le récit de personnes qui se sont ainsi abstraits volontairement de la vie "moderne", pour vivre en solitaire des mois durant. Ce n'est pas le fait d'être privé du confort occidental que j'admire, mais plutôt celui de ne plus avoir de contact avec nos proches, nos amis ou notre famille et celui de s'ouvrir aux autres, aux gens du pays par exemple, de découvrir d'autres univers. La Sibérie est un lieu qui comme l'Alaska me fait rêver, mais je sais que je n'irai jamais y vivre car je n'aime pas les extrêmes !
Aussi je ne comprends pas pourquoi la lecture de ce récit, que l'auteur appelle un "journal d'ermitage", me laisse une sensation de manque, une sorte de déception alors que le livre est facile à lire et même par moment agréable.
J'avais offert ce livre en cadeau à mon père lors de sa sortie et je ne l'avais jamais lu depuis. Lui qui était un grand fan des récits d'aventure et de voyage sur l'arctique, qui adorait Jack London et autres auteurs, avait simplement manifesté le désir de lire un jour un des écrits de Sylvain Tesson qu'il voyait de temps en temps à la télévision. Bien sûr j'avais profité de son souhait pour le lui offrir. Je me souviens qu'après sa lecture, mon père m'avait dit : "Bon, il est allé là-bas c'est sûr, mais est-ce qu'il a vraiment vécu tout ça...".
Et maintenant, des années après, une fois ma lecture achevée je comprends ce qu'il avait voulu me dire car c'est tout à fait ce que je ressens aujourd'hui.
Je ne peux pas nier que l'auteur soit allé s'installer dans son isba, ni qu'il ait vu tout ce dont il nous parle. Mais je suis davantage sceptique sur ce qu'il a vécu en profondeur et l'expérience qu'il en aurait retiré me paraît quasi factice. J'ai eu trop souvent l'impression que dans ce récit, Sylvain Tesson jouait un rôle.
Du coup je n'ai pas été touchée par ses mots comme je le pensais.
Je sais bien que les mots sont réducteurs et que comme les photos ils ne traduisent qu'un instant sorti d'un contexte et d'une ambiance. Mais l'écriture ne m'a pas conquise et donc si l'exploit reste admirable, je n'ai pas été touchée par le récit qu'il en fait.
Certains passages de réflexion sont intéressants, d'autres même sont poétiques, mais le récit du quotidien imprégné de remarques très occidentales (je devrais dire très parisiennes et mondaines) m'a souvent surpris...car cela crée un décalage et souvent je me suis demandée ce qu'il faisait là-bas, finalement.
Certes son voyage a été bien préparé et cela est normal d'éviter tout risque inutile quand on part dans des milieux extrêmes mais du coup il n'y a pas d'aventure à proprement parler, pas de surprise, pas d'intérêt et même lui passe beaucoup de temps à ne rien faire et à s'ennuyer ( et à boire seul ce que les russes ne font jamais).
C'est donc évident que ce livre est un livre de commande puisque même une vidéo a été filmée de son aventure, ce qui paraît bien surprenant pour quelqu'un qui veut se couper du monde...
Mais cela encore, n'est pas le noeud du problème. C'est l'écriture de son récit qui ne sonne pas juste. Il s'adresse à un public, pas à lui-même comme on le ferait dans un véritable journal de bord. Il donne à voir...et du coup je n'ai pas cru à son ressenti, c'est trop distancié et dépourvu d'émotions, même quand il apprend que son amie le quitte, je n'y ai pas cru.
J'ai également été très souvent lassée par ses trop longues citations qui font pourtant référence à des livres que j'ai lus pour la plupart (pas tous je vous rassure)...et je n'ai même pas partagé avec lui ce plaisir de lire.
En tous les cas, s'il a eu une expérience positive suite à son séjour, cela ne l'a pas rendu ni plus modeste, ni moins narcissique. Je l'ai trouvé finalement très pédant et plutôt imbu de lui-même, impression que j'avais déjà eu en l'écoutant dans les médias.
Les contradictions abondent et je crois qu'il aurait dû être un peu plus "transparent" et évoquer le coût réel de cette opération "ermite en Sibérie", les nombreux sponsors (comme Millet) qu'il remercie tout de même en fin d'ouvrage, l'équipe télévisée de Bo Travail qui l'a forcément suivi et je ne vais pas tout vous lister : je n'aurais pas abordé cette lecture de la même façon...
Quand on se méfie de sa vie intérieure, il faut emporter de bons livres : on pourra toujours remplir son propre vide. L’erreur serait de choisir exclusivement de la lecture difficile en imaginant que la vie dans les bois vous maintient à un très haut degré de température spirituelle. Le temps est long quand on n’a que Hegel pour les après-midi de neige.