Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
J'ai choisi depuis longtemps de ne pas m'enfermer, de ne pas considérer les choses de manière figée, mais de prêter plutôt l'oreille à la rumeur du monde.
Je ne suis pas devenu écrivain parce que j'ai quitté mon pays natal. En revanche, j'ai posé un autre regard sur celui-ci une fois que je m'en suis éloigné (...)
Le déplacement a contribué à renforcer en moi cette inquiétude qui fonde à mes yeux toute démarche de création: on écrit peut-être parce que "quelque chose ne tourne pas rond", parce qu'on voudrait remuer les montagnes ou introduire un éléphant dans le chat d'une aiguille. L'écriture devient alors un enracinement, un appel dans la nuit et une oreille tendue vers l'horizon(...)
Je considère les rencontres insolites, les lieux, les voyages, les auteurs et l’écriture comme un moyen de féconder un humanisme où l’imaginaire serait aussi bariolé que l’arc-en-ciel et nous pousserait à nous remettre en question.
Cet essai, écrit par un amoureux de la langue française, débute par une carte...celle de tous les lieux dont il va nous parler dans son livre avec une mention spéciale pour trois endroits, le Congo où il est né et qui est le "lieu du cordon ombilical", la France où il a étudié qui est la "patrie d'adoption de ses rêves" et les USA et en particulier la Californie, "un coin depuis lequel je regarde les empreintes de mon errance", un lieu où il enseigne la littérature en faisant salle comble à chacune de ses interventions...
Dans ce livre qui se lit comme un roman, Alain Mabanckou nous fait voyager d'un pays à l'autre, d'un lieu à l'autre et d'une rencontre à une autre, tout en nous contant comme il sait si bien le faire mille anecdotes toutes plus émouvantes, amusantes, surprenantes les unes que les autres.
Que ce soit dans un colloque, une conférence, une table ronde, un avion ou lors d'un festival...et même dans la rue, il nous fait part de ces rencontres qui l'ont marqué, lui ont parfois apporté des réponses ou ont été source d'inspiration pour ses romans.
Ainsi il lui est arrivé de s'endormir en pleine conférence alors qu'il attendait depuis longtemps d'écouter la parole de Le Clézio sur les peuplades oubliées dans le monde, d'interviewer dans l'avion de retour, Edouardo Manet, de partager des recettes de cuisine avec Dany Laferrière rencontré à Montréal ou de discuter dans la rue, de sa descendance africaine avec un clochard de La Nouvelle-Orléans.
Ce livre est un véritable hommage à la langue française, cette langue qu'il aime tant. Il nous prouve que le français n'appartient pas qu'à la France (c'est la seconde langue parlée dans le monde après l'anglais) et que la poésie est toujours vivante même si elle connaît une désaffection évidente. Elle apparaît aussi dans les romans que nous aimons, les contes que nous lisons à nos enfants, les pièces de théâtre que nous allons voir... "c'est le parfum qui enveloppe notre inspiration" dit-il dans la vidéo que je vous ai mis en bas de page.
Mais au-delà de la langue c'est de culture qu'il nous parle...car la langue véhicule des pensées et des émotions différentes selon l'endroit, l'âge, ou le métier des personnes croisées.
Nous rencontrons avec lui des gens célèbres : Le Clézio, Edouard Glissant, Gary Victor, Dany Laferrière, Henri Lopes, Camara Laye, Mongo Beti, Bessora, Jean-Joseph Rabearivelo, Jacques Rabemananjara, Rachid O., Ernesto Sabato, Léonardo Padura, Jean Métellus et plein d'autres comme par exemple Sony Labou Tansi (Marcel Sony), un professeur d'anglais qui écrit en français dans son cahier à spirales...
Nous croisons aussi de parfaits inconnus qui ont en commun avec nous, d'aimer la langue française, ou des francophiles comme Douglas Kennedy qui prendra des cours de français pendant des mois, pour maîtriser la langue et pouvoir la parler avec les francophones rencontrés lors de ses voyages.
Mais c'est avant tout, une sorte d'autobiographie où Alain Mabanckou nous raconte sa vie à travers les autres...
On retrouve avec plaisir sa bienveillance, le ton non dénué d'humour, où la tolérance et le plaisir de la découverte de l'autre priment.
Vous l'aurez compris c'est un livre empli de fraternité et d'humanité à lire que vous soyez amoureux de la littérature et de notre langue ou pas.
Il se lit comme une longue confidence et tout au long de sa lecture vous aurez l'impression que c'est un ami qui nous parle de ses passions, de ses espoirs, et de ses découvertes.
De plus, il nous donne envie de faire connaissance avec les auteurs que nous ne connaissons pas...