Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
En matière de météo, pour être honnête, nous ne sommes pas toujours très objectifs...Ainsi l'hiver dernier nous étions sûrs que "jamais en Provence il n'y avait eu d'hiver aussi gris" et cet été que "la canicule n'avait jamais duré aussi longtemps" et ainsi à chaque saison...nous avons une mémoire très sélective pour considérer les événements météorologiques.
Cependant, la mémoire collective se souvient de certains événements marquants...C'est le cas de l'hiver 1956 !
Moi même qui n'était alors qu'une toute petite pitchounette, j'ai une image très nette, une seule de cet hiver-là...
Je suis quillée sur une chaise pour regarder par la fenêtre... La vitre est gelée là où la buée a été transformée en glace vive et je gratte les plaques qui tombent par terre. Ma mère ne me gronde pas car j'attend mon grand frère qui rentre de l'école. Je sais maintenant qu'on vient d'annoncer à la radio que les écoliers allaient être renvoyés chez eux faute de chauffage et vu que les encriers gelaient dans les bureaux...Mais à l'époque dans mon souvenir, je crie quand j'aperçois le bonnet rouge de mon frère sur le trottoir et mon coeur se soulève de joie". Sans doute avais-je perçu l'inquiétude de ma mère devant ce froid inhabituel ? et c'est la seule image qui me reste !
Pourquoi je vous parle de tout ça aujourd'hui...attendez je vous l'explique.
Jeudi dernier, il faisait un temps exceptionnellement beau en Provence et je suis allée faire une courte balade autour du petit village de Vernègues dont je vous parlerai très bientôt plus en détails.
C'est alors que nous venions d'admirer le point de vue sur la vallée de la Durance du haut du Plateau du Grand Puech, que nous avons retrouvé le tronc de ce vieil amandier, seul rescapé du terrible gel de l'hiver 1956, qui a vu mourir suite au froid intense, tous ses acolytes, un amandier qui serait le plus vieux d'Europe...et qui vient juste pour la première fois cette année, 60 ans après ce terrible hiver, de rendre l'âme et ne plus produire aucune feuille, ni fleur.
Il serait âgé de plus de 500 ans, alors que les variétés modernes d'amandiers greffés sur des pêchers, grandissent plus vite, produisent davantage, mais ne vivent qu'une centaine d'années...
Sur les vastes plateaux recouverts d’amandiers à l’époque où les arbres sont en fleur, on entend à peine le bruit des abeilles. On peut marcher des journées entières seul avec soi-même, dans une joie, un ordre, un équilibre, une paix incomparables. Non pas tous à la fois, mais un à un, vous laissant toujours un ami végétal et fleuri qui vous accompagne un peu plus loin puis vous laisse, vous ayant confié à un autre, et ainsi la terre peu à peu monte et vous fait pénétrer dans le ciel à mesure que vous passez des bras de l’amandier aux mains des tilleuls, puis des châtaigniers, puis des trembles et alors l’ondulation des terres vierges toutes nues se compose devant vous avec les lentes harmonies d’une ivresse divine...
Comme dans beaucoup d'endroits en Provence au début du XXème siècle, les amandiers étaient cultivés abondamment sur les plateaux ensoleillés car ces arbres aiment particulièrement le soleil, la lumière et la chaleur et redoutent l'humidité.
Mais, cet arbre, symbole d'amour et de renaissance, dont je vous ai déjà parlé sur ce blog (voir ci-dessous), n'a qu'un seul défaut : il craint le froid.
L'amandier annonce le printemps ! - Dans la Bulle de Manou
L'amandier (Prunus amygdalus var.dulci) est un arbre de la famille des Rosacées (comme le pêcher, le prunier, l'abricotier...) dont les fleurs apparaissent avant les feuilles... Il fleurit dès l...
http://www.bulledemanou.com/article-l-amandier-annonce-le-printemps-115585542.html
Que s'est-il passé en 1956 ?
L'hiver avait été très doux...Après un mois de janvier presque printanier, durant la nuit du 31 janvier au 1er février 1956, une vague de froid exceptionnelle et particulièrement meurtrière s'abat sur une grande partie de l'Europe.
Durant 27 jours exactement, l'air arctique, descendu vers le sud suite à l'installation d'un anticyclone, est responsable de gelées exceptionnellement intenses. Des records de température minimales sont enregistrés, occasionnant d'abondantes chutes de neige sur le littoral provençal...De plus, en Provence, un mistral violent se met à souffler (180 km/h à Istres !) aggravant les effets du froid dans la nature.
Toutes les régions de France ont été concernées.
Les fleuves étaient gelés, l'approvisionnement en eau et en électricité perturbé...
Cet épisode a marqué les esprits car c'est le mois le plus froid enregistré depuis 1900 en Provence.
Ses conséquences ont été désastreuses tant au niveau humain, que pour l'économie de la région car partout, on cultivait alors sur les "bancaus" (prononcer "bancaou") des oliviers, de la vigne ou des amandiers...
Tous étaient déjà en montés en sève (oliviers et vignes) ou carrément en fleurs (amandiers), lors de l'arrivée du froid...
On estime que suite à cet hiver particulier, 4 à 5 millions d'oliviers même centenaires ont succombé : 80 % d'entre eux ont dû être coupés..."Ils explosaient comme des grenades", les troncs se fendaient ; 40% des vignes ont été touchées et la culture des amandiers quasiment abandonnée...
Tous les amandiers que l'on voit dans la campagne provençale ont donc été plantés après ce fameux hiver 1956.
Pour en savoir plus sur cet épisode météorologique exceptionnel, vous pouvez consulter le site ci-dessous...
Tout est gris. C'est sur ce gris, à la fin de l'hiver, que jouent les blancs et les roses des fleurs d'amandiers, c'est contre ces gris que s'appuiera l'azur du ciel d'été, c'est de ce gris que s'échapperont les flammes à peines citronnées de l'automne. C'est ce gris qui rejoindra le gris de l'hiver, le poussant juste un peu, dans les lointains, vers un violet...