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Je vous fait remonter aujourd'hui cet article concernant les traditions en Provence, article que j'ai rédigé en 2015. Désolée pour ceux qui l'ont déjà lu.
Puis vient le temps de la veillée de noël et du Gros Souper.
La veillée commençait dans les familles par le traditionnel cacho-fiò.
Si un jour, vous allez visiter en Arles, le musée Arlaten, vous en verrez une représentation très imagée.
lou cacho-fio
Le plus âgé de la famille, (lou papé) et le plus jeune enfant (lou caganis, c'est moi dans la famille) apportent près de la cheminée une grosse bûche (d'olivier, d'amandier ou d'un arbre fruitier).
Tous deux devaient faire trois fois le tour de la table avant d'allumer le feu, d'y poser la bûche et de l'arroser de vin chaud (3 fois) en prononçant cette phrase :
"Alegre, Diou nous alegre, Cachofue ven, tout ben ven, Diou nous fague la graci di veïre l'an que ven Se sian pas mai que siguen pas men." en provençal bien sûr, ce qui signifie :
"Soyons joyeux, Dieu nous garde joyeux, Cacho feu vient, tout bien vient, Dieu nous fasse la grâce de voir l'an qui vient, Si nous sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins."
Je n'ai jamais vu cette coutume et mes grands-parents me disaient qu'elle se pratiquait dans les familles très croyantes et que chez eux non plus cela ne se faisait pas. Je ne connais personne d'ailleurs dans mon entourage qui ait vu cela en réalité !
Chez mes grands-parents maternels, qui sont nés un peu avant le XX° siècle, l'aïeul se contentait d'allumer le feu.
Et tout le monde chantait ensemble en buvant le vin chaud (ou le vin cuit) en guise d'apéritif avant de se mettre à table :
l'an que vèn, se sian pas mai que siguen pas mens" !
"A l'année prochaine" ! si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins" donc s'il n'y a pas de naissance, qu'il n'y ait pas de décès dans la famille...
Cette phrase se prononce encore aujourd'hui très fréquemment durant la période de fin d'année quand on quitte des amis ou de simples connaissances, nos voisins, nos collègues de travail et c'est une manière très provençale de se souhaiter de bonnes fêtes.
Cette phrase a marqué mon enfance. C'était toujours mon grand-père maternel qui la prononçait et ma mère a pris la suite.
J'ai souvent encore les larmes aux yeux en y pensant car c'était un moment à la fois très solennel, et emplie de mélancolie et de mystère. Bien sûr, en grandissant j'ai très vite compris que ce n'était pas une formule magique, mais bien une façon de conjurer le mauvais sort et de se porter mutuellement chance, tout en étant contents d'être tous réunis.
Mais je voyais bien que les anciens et même les autres adultes ressentaient toujours beaucoup d'émotion en la prononçant.
Puis tout le monde passait à table pour la veillée de noël.
La tradition de mettre la bûche dans la cheminée a été remplacée par le dessert bien connu dont tout le monde se régale !
Le repas du réveillon, s'il était bien un Gros Souper dans les temps anciens, est aujourd'hui plutôt un repas maigre.
Je vous livre rapidement les détails de l'organisation et de la déco du Gros Souper !
Chez les respectueux stricts de la tradition, sur la table, on devait disposer trois nappes blanches (une pour le repas du 24, une pour le 25 à midi et la troisième pour le 25 au soir), trois chandelles et les trois coupelles de blé germé et enfin tous les plats, y compris les treize desserts.
Le gros souper était obligatoirement composé de 7 plats maigres et servi avec 13 petits pains, représentant la Cène avec les 12 apôtres et Jésus. Il était suivi avant ou après la messe par la dégustation Puis bien sûr toute la famille se rendait à la messe de minuit (pour les croyants) ou allait voir une pastorale...et dégustait la soupe à l'oignon en rentrant !
Chez nous, durant mon enfance, on a toujours fait beaucoup plus simple. Le Gros souper n'avait donc pas forcément 7 plats mais nous n'avons jamais fait l'entorse des 13 desserts.
Les plats et les recettes diffèrent selon les villes, les villages et les familles.
Il y a cependant des incontournables comme le céleri en anchoïade ou la carde en sauce blanche ou en sauce aux anchois, deux légumes vraiment traditionnels, la salade de jeunes pousses, les épinards le plus souvent en gratin (ou en omelette), un poisson (morue en tian ou à la sauce aux câpres, dorade au four, parfois seulement de la brandade, des coquillages ou des escargots, enfin parfois une soupe comme l'aigo boulido remplaçait la soupe à l'oignon.
Chez nous, c'était le soir du 25 décembre après les agapes qu'on la dégustait.
Vous voyez, il n'y a pas de quoi en faire un plat : ce sont des mets simples très éloignés de ceux qu'on vous propose pour un réveillon aujourd'hui.
J'ai vu qu'à certains endroits (peut-être en montagne ?) on servait encore la soupe aux choux lors de la veillée de noël. C'est une tradition dont je n'ai jamais entendu parler. Cette soupe était déjà servie tous les jours, je ne crois pas que dans les familles, on la servait aussi les jours de fête, sauf peut-être dans les familles très pauvres.
Noter que souvent la maîtresse de maison a enfin un peu de répit le soir de noël, une fois que tout le monde est rassasié !
C'est un soir où, en effet, non seulement tous les plats sont mis en même temps sur la grande table, ou à proximité, personne n'a donc besoin de se lever pour servir.
De plus, les miettes doivent rester sur la table toute la nuit (pour nourrir les ancêtres qui ne manqueront pas de venir participer à leur façon à la fête.). La table ne sera pas desservie jusqu'au lendemain matin où on pourra enfin enlever la première nappe pour le repas du 25.
Personne n'indique où sera pris le petit déjeuner. Mais il est vrai que les enfants découvrent les cadeaux du père noël et en oublient de manger et que les adultes n'ont pas vraiment faim et se contentent souvent d'un simple café !
A l'époque donc, la plupart du temps, encore au début du XX° siècle, les enfants dans les campagnes recevaient une simple orange. Comme ce fruit était encore cher et rare, mon père qui est né en 1919, était heureux de recevoir un de ces fruits juteux dans ses souliers (ce n'est donc pas un mythe). Il avait le droit de le déguster aussitôt. Souvent, il trouvait aussi un nouveau bonnet tricoté en cachette par sa sœur aînée ou une bonne paire de chaussettes bien épaisses et partait jouer dehors pour les essayer sans tarder.
Il savait ensuite qu'il y aurait un bon dîner de noël pour se réchauffer.
Plus tard, les cadeaux ont évolué : un petit soldat de plomb, une voiture en bois ; les filles elles, reçoivent une poupée de chiffon ou une dînette. Mais c'est une autre histoire que celle des cadeaux de noël et je vous la raconterai une autre fois.
Très bonnes fêtes de noël à tous...en attendant quelques photos (si j'y pense... avant que tout soit mangé !)