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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

La préparation de la veillée de noël et le Gros Souper (lou gros soupa) en Provence

Je vous fait remonter aujourd'hui cet article concernant les traditions en Provence, article que j'ai rédigé en 2015. Désolée pour ceux qui l'ont déjà lu.

Le Gros Souper (musée Arlaten)

Le Gros Souper (musée Arlaten)

Il n'y a pas qu'en Alsace que les traditions de nöel se perpétuent.

Chaque région a ses propres traditions et la Provence ne fait pas exception à la règle, même si, il faut bien le reconnaître certaines coutumes tombent dans l'oubli ou bien se sont adaptées à la vie moderne et aux différents membres de la famille.

Car, avant, (je parle au début du XX° siècle pas au temps des dinosaures !), il était très rare de se marier en dehors de sa région. C'était donc plus facile de conserver les traditions qui se perpétuaient ainsi de génération en génération.

Aujourd'hui, c'est plutôt la mixité qui prime et cela est une bonne chose car elle apporte une ouverture et un mélange des cultures, bénéfiques à l'éducation des enfants, à notre vie familiale et à la société.

Comme je l'ai déjà dit dans ce blog : en Provence tout commence le 4 décembre à la Sainte Barbe en plantant le blé de la Sainte Barbe.

Mes plantations quinze jours aprèsMes plantations quinze jours après
Mes plantations quinze jours après

Mes plantations quinze jours après

Puis il faut décorer le sapin.

Attention si vous installez le sapin près de la cheminée...

Attention si vous installez le sapin près de la cheminée...

Ensuite on montera la crèche provençale, dans laquelle on placera les santons que l'on soit croyant ou pas...

En principe, la crèche doit rester en place jusqu'à l'épiphanie, au moins, et la période calendale ne se terminer qu'à la chandeleur. Mais bon, j'ai bien dit "en principe"...

Quelques vues de la crècheQuelques vues de la crèche
Quelques vues de la crèche

Quelques vues de la crèche

Tout le mois de décembre, on profitera de la douceur des dimanches en famille, pour faire  le tour des marchés de noël, plutôt nombreux dans la région.

Une façon d'attendre noël, car nous n'avons pas l'habitude dans nos contrées éloignées de la capitale, d'emmener les enfants faire le tour des grands magasins et il faut bien qu'ils rencontrent le père noël de temps en temps !

Sinon, comment ferait-il pour y croire ?

Entre temps, vous n'aurez pas oublié d'arroser avec parcimonie votre blé.

Le 13 décembre, à la sainte Luce, il faudra aller cueillir le houx et le gui pour en décorer la maison ou à défaut aller en acheter.

En Provence, le houx est le plus souvent remplacé par du houx fragon (ou petit-houx) qui décore la maison grâce à ses boules rouges. Il était placé autrefois dans la maison pour conjurer le mauvais sort.  Aujourd'hui il est simplement mis en place pour décorer.

Le houx fragon pour conjurer le mauvais sort

Le houx fragon pour conjurer le mauvais sort

Vous suspendrez votre bouquet de gui au dessus de la porte d'entrée pour attirer la paix dans votre maison. Les Druides pensaient en effet que le gui avait un pouvoir miraculeux. L'inconvénient est qu'en cette période de l'année, le gui est plein de boules blanches qui se feront un malin plaisir à tomber sur le sol à chaque ouverture de la porte.

Donc, en fait je l'accroche à côté !

Le gui dans la nature

Le gui dans la nature

"A la Sainte-Luce, les jours s'allongent d'un saut de puce", dit le proverbe.  Ce n'est pas tout à fait exact.

En fait, du point de vue astronomique, le soleil continue à se lever plus tard après le solstice d'hiver, donc les jours semblent raccourcir le matin, et le soleil commence à se coucher plus tard avant le solstice, ce qui donne l'impression que les jours rallongent et explique sans doute le proverbe.

Mais en fait les jours ne se mettent réellement à grandir qu'après le solstice.

Pour aider les jours à s'agrandir et fêter le renouveau du soleil, à partir de ce jour-là et jusqu'à noël on doit illuminer la maison, voire les façades, avec des bougies, des lampions, des guirlandes, ce que beaucoup de gens font aujourd'hui.

 

Mais bon, en ces temps d'économies d'énergie, je ne vous cache pas que je trouve excessif, d'illuminer le moindre petit village même si je reconnais que cela est très festif et offre un peu plus de gaieté aux habitants au cœur de l'hiver. En tous les cas, je n'illumine pas la façade de ma maison. Mais je pense à éclairer des bougies tous les soirs...sur ma cheminée. C'est déjà ça !

 

Puis vient le temps de la veillée de noël et du Gros Souper.

La veillée commençait dans les familles par le traditionnel cacho-fiò.

Si un jour, vous allez visiter en Arles, le musée Arlaten, vous en verrez une représentation très imagée.

 

          lou cacho-fio

Lors de cette cérémonie, le plus âgé de la famille, le «papé» et le plus jeune, le «caganis» apportent ensemble la plus grosse bûche issue d’un arbre fruitier (le plus souvent celle d’un cerisier, olivier ou amandier) et font trois fois le tour de la table qui est recouverte de trois nappes (symbole de la Trinité) avant de bouter le feu. - See more at: http://www.bonjourdumonde.com/blog/grece/11/tradition/les-traditions-de-noel-en-provence#sthash.l7HhqN8K.dpuf
Lors de cette cérémonie, le plus âgé de la famille, le «papé» et le plus jeune, le «caganis» apportent ensemble la plus grosse bûche issue d’un arbre fruitier (le plus souvent celle d’un cerisier, olivier ou amandier) et font trois fois le tour de la table qui est recouverte de trois nappes (symbole de la Trinité) avant de bouter le feu. - See more at: http://www.bonjourdumonde.com/blog/grece/11/tradition/les-traditions-de-noel-en-provence#sthash.l7HhqN8K.dpuf

 

Le plus âgé de la famille, (lou papé) et le plus jeune enfant (lou caganis, c'est moi dans la famille) apportent près de la cheminée une grosse bûche (d'olivier, d'amandier ou d'un arbre fruitier).

Tous deux devaient faire trois fois le tour de la table avant d'allumer le feu, d'y poser la bûche et de l'arroser de vin chaud (3 fois) en prononçant cette phrase :

"Alegre, Diou nous alegre, Cachofue ven, tout ben ven, Diou nous fague la graci di veïre l'an que ven Se sian pas mai que siguen pas men." en provençal bien sûr, ce qui signifie :

"Soyons joyeux, Dieu nous garde joyeux, Cacho feu vient, tout bien vient, Dieu nous fasse la grâce de voir l'an qui vient, Si nous sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins."

 

Je n'ai jamais vu cette coutume et mes grands-parents me disaient qu'elle se pratiquait dans les familles très croyantes et que chez eux non plus cela ne se faisait pas. Je ne connais personne d'ailleurs dans mon entourage qui ait vu cela en réalité !

Chez mes grands-parents maternels, qui sont nés un peu avant le XX° siècle, l'aïeul se contentait d'allumer le feu.

Et tout le monde chantait ensemble en buvant le vin chaud (ou le vin cuit) en guise d'apéritif  avant de se mettre à table :

 l'an que vèn, se sian pas mai que siguen pas mens" !

"A l'année prochaine" ! si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins" donc s'il n'y a pas de naissance, qu'il n'y ait pas de décès dans la famille...

Cette phrase se prononce encore aujourd'hui très fréquemment durant la période de fin d'année quand on quitte des amis ou de simples connaissances, nos voisins, nos collègues de travail et c'est une manière très provençale de se souhaiter de bonnes fêtes.

 

Cette phrase a marqué mon enfance. C'était toujours mon grand-père maternel qui la prononçait et ma mère a pris la suite.

J'ai souvent encore les larmes aux yeux en y pensant car c'était un moment à la fois très solennel, et emplie de mélancolie et de mystère. Bien sûr, en grandissant j'ai très vite compris que ce n'était pas une formule magique, mais bien une façon de conjurer le mauvais sort et de se porter mutuellement chance, tout en étant contents d'être tous réunis.

Mais je voyais bien que les anciens et même les autres adultes ressentaient toujours beaucoup d'émotion en la prononçant.

 

Puis tout le monde passait à table pour la veillée de noël.

La tradition de mettre la bûche dans la cheminée a été remplacée par le dessert bien connu dont tout le monde se régale !

Le repas du réveillon, s'il était bien un Gros Souper dans les temps anciens, est aujourd'hui plutôt un repas maigre.

 

Je vous livre rapidement les détails de l'organisation et de la déco du Gros Souper !

Chez les respectueux stricts de la tradition, sur la table, on devait disposer trois nappes blanches (une pour le repas du 24, une pour le 25 à midi et la troisième pour le 25 au soir), trois chandelles et les trois coupelles de blé germé et enfin tous les plats, y compris les treize desserts.

Le gros souper était obligatoirement composé de 7 plats maigres et  servi avec 13 petits pains, représentant la Cène avec les 12 apôtres et Jésus. Il était suivi avant ou après la messe par la dégustation des treize desserts. Puis bien sûr toute la famille se rendait à la messe de minuit (pour les croyants) ou allait voir une pastorale...et dégustait la soupe à l'oignon en rentrant !

 

Chez nous, durant mon enfance, on a toujours fait beaucoup plus simple. Le Gros souper n'avait donc pas forcément 7 plats mais nous n'avons jamais fait l'entorse des 13 desserts.

 

Les plats et les recettes diffèrent selon les villes, les villages et les familles.

Il y a cependant des incontournables comme le céleri en anchoïade ou la carde en sauce blanche ou en sauce aux anchois, deux légumes vraiment traditionnels, la salade de jeunes pousses, les épinards le plus souvent en gratin (ou en omelette), un poisson (morue en tian ou à la sauce aux câpres,  dorade au four, parfois seulement de la brandade, des coquillages ou des escargots, enfin parfois une soupe comme l'aigo boulido remplaçait la soupe à l'oignon.

Chez nous, c'était le soir du 25 décembre après les agapes qu'on la dégustait.

 

Vous voyez, il n'y a pas de quoi en faire un plat : ce sont des mets simples très éloignés de ceux qu'on vous propose pour un réveillon aujourd'hui.

 

J'ai vu qu'à certains endroits (peut-être en montagne ?) on servait encore la soupe aux choux  lors de la veillée de noël. C'est une tradition dont je n'ai jamais entendu parler. Cette soupe était déjà servie tous les jours, je ne crois pas que dans les familles, on la servait aussi les jours de fête, sauf peut-être dans les familles très pauvres.

 

Noter que souvent la maîtresse de maison a enfin un peu de répit le soir de noël, une fois que tout le monde est rassasié !

C'est un soir où, en effet, non seulement tous les plats sont mis en même temps sur la grande table, ou à proximité, y compris les 13 desserts : personne n'a donc besoin de se lever pour servir. 

De plus, les miettes doivent rester sur la table toute la nuit (pour nourrir les ancêtres qui ne manqueront pas de venir participer à leur façon à la fête.). La table ne sera pas desservie jusqu'au lendemain matin où on pourra enfin enlever la première nappe pour le repas du 25.

Personne n'indique où sera pris le petit  déjeuner. Mais il est vrai que les enfants découvrent les cadeaux du père noël et en oublient de manger et que les adultes n'ont pas vraiment faim et se contentent souvent d'un simple café !

 

A l'époque donc, la plupart du temps, encore au début du XX° siècle, les enfants dans les campagnes recevaient une simple orange en guise de cadeaux. Comme ce fruit était encore cher et rare, mon père qui est né en 1919, était heureux de recevoir un de ces fruits juteux dans ses souliers (ce n'est donc pas un mythe). Il avait le droit de le déguster aussitôt. Souvent, il trouvait aussi un nouveau bonnet tricoté en cachette par sa sœur aînée ou une bonne paire de chaussettes bien épaisses et partait jouer dehors pour les essayer sans tarder.

Il savait ensuite qu'il y aurait un bon dîner de noël pour se réchauffer.

Plus tard, les cadeaux ont évolué : un petit soldat de plomb, une voiture en bois ; les filles elles, reçoivent une poupée de chiffon ou une dînette. Mais c'est une autre histoire que celle des cadeaux de noël et je vous la raconterai une autre fois.

Très bonnes fêtes de noël à tous...en attendant quelques photos (si j'y pense... avant que tout soit mangé !)

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B
bonjour Manou , ah oui un très bel article et plein de souvenirs pour toi oui les grands parents restent dans les mémoire et les parents également et +++ , merci de ce beau partage bisous A+
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L
Je me suis régalé avec ton article. Je ne pense pas l avoir lu.<br /> J ai toujours rêvé des 13 desserts. Une année au moins je les ai présentés pour faire comme en Provence.<br /> Pour les miettes je ne savais pas. Pour le petit déjeuner, on pousse les miettes 🤣<br /> <br /> Gros bisous.<br /> Lavandine
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M
En fait entre la tradition et la réalité tu le sais, ce n'est pas toujours évident. Ma mère ramassait les miettes et ma grand-mère lui disait mais non, tu dois les laisser pour les ancêtres ! Pour les treize desserts, j'en parle demain :) Bisous et une douce journée
L
Bonjour Manou,<br /> Voilà je viens de lire cet article, j'irai sur les suivant un peu plus tard. Voilà de belles traditions. j'ai un peu la larme à l'œil avec la phrase : À l'an que vèn, se sian pas mai que siguen pas mens" . Ma maman la disait à chaque Noël, comme tu l'as écrit, dans l'Hérault on avait donc à peu près le même patois et j'y pense chaque année mais je ne la prononce pas et encore moins cette année ou un membre de la famille n'est pas très bien. Bonne journée et bonne semaine; Bisous; Huguette
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M
Moi non plus je n'arrive pas à la dire cette phrase c'est très émouvant...mais j'ai vécu ça aussi toute mon enfance. Je t'envoie mille pensées en ces temps de noël on est déjà tellement émus en pensant à ceux qui ne sont plus avec nous, quand en plus on a quelqu'un qui ne va pas bien...je te comprends...c'est difficile. Bon courage. Bisous
E
Manou, j'ai eu grand plaisir à lire toutes ces belles traditions provençales liées à Noël, une fête que j'aime beaucoup. J'ai l'impression de lire unlivre de contes.<br /> Merci beaucoup. Je te souhaite une bonne semaine et de beaux préparatifs.
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M
Merci Emma en Provence on fait tout ce que l'on peut pour maintenir nos traditions mais les temps changent, la famille s'agrandit et les habitudes évoluent pour s'adapter aux nouveaux venus ! Bons préparatifs à toi aussi
C
Et bien non Manou chaque région n'a pas ses propres traditions de Noël ! J'ai eu beau chercher ... je n'en ai trouvé aucune qui soit typiquement normande ! C'est pourquoi d'ailleurs je m'intéresse autant à celles d'Alsace et de Provence. Je connais donc toutes ces traditions pour les avoir évoquées sur mon calendrier de l'Avent. Tiens le gros souper ... ça je n'en ai jamais parlé, je note pour l'année prochaine !<br /> Belle semaine, bisous.<br /> Cathy
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M
Bonne idée Cathy en effet il faut que tu y penses dès à présent mais ne t'en fais pas non plus si tu ne te renouvelles pas complètement tu sais que même en venant te lire tous les jours, on ne peut pas tout retenir, donc on redécouvre avec plaisir ! Et quand tu rajoutes ici ou là une recette, cela nous donne l'occasion d'avoir envie de la tester ! Bisous et merci pour tes messages
A
J'ai adoré découvrir ta façon de fêter Noël. Si nous ne sommes pas plus, que nous soyons pas moins...très jolie façon de dire les choses.
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M
En Provence aussi nous aimons les traditions de Noël, je confirme
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S
Un petit coucou Manou pour te souhaiter de passer de très bonnes fêtes de Noel, qu'elles soient douces et heureuses. Bisous
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C
Beau billet que je n'avais pas lu. Bises et bonne journée dd Noël et avant et après.
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Q
Très bonnes fêtes à toi aussi. :)<br /> Bisous et douce journée Manou.
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M
J'aime beaucoup les traditions de Noël, c'est superbe!!! Bise, bon vendredi tout doux!
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C
je ne connaissais pas du tout ces traditions, merci pour ce bel article. bises. celine
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M
J'ai relu ton article avec grand plaisir. Son côté folklorique (dans le vrai sens du terme) m'enchante et a un petit côté mystérieux puisque chez moi (Lille), aucune tradition de ce genre n'existe. Bien sûr le sapin était décoré et les huîtres étaient servies, mais ce sont bien les seuls éléments que je retrouvais d'une année à l'autre. Passe d'excellentes fêtes, chère Manou, et profite bien de tous ces instants. Gros bisous.
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C
coucou, je pensais bien que tu étais de Provence maintenant j'en ai la certitude,,surtout avec cette magnifique description de ,nos traditions. Tu exerces le métier dans lequel j'aurais aimé me glisser de temps à autre et j'ai toujours reculé...bientôt la retraite je vais enfin pouvoir réunir mes écrits et peut être les communiquer.<br /> Es tu de Marseille, ou d'Aix ou pas loin? je te souhaite une belle journée, comme aujourd'hui avec plein de douceurs. Je ne laisse pas souvent de com, plus trop le temps...que je réserve à des échanges de valeurs ou de sourire
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M
Oui j'habite la Provence depuis toujours mais je suis moitié auvergnate par mon père. Un sacré mélange dirait mes proches...
M
Très beau récit riche d'enseignements. Il n'est pas encore trop tard pour te souhaiter un joyeux Noël !
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M
Merci j'ai vu ton message à temps ! Par contre moi, je répond vraiment très tard ...Voilà ce que c'est de partir quelques jours en famille au fin de l'Auvergne là où le réseau ne passe pas...