Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ce roman a reçu le et a été sélectionné pour le Prix Audiolib 2015.
De quoi ça parle ?
Il connaît donc bien le prix d'une vie,
Son père était chimiste et travaillait dans une droguerie où il impressionnait les jeunes clientes par son savoir, sa blouse blanche, ses beaux yeux verts et les solutions qu'il ne manquait pas de toujours trouver à leurs problèmes.
Par contre, il ne savait pas impressionner ni séduire sa femme.
Un matin Anne, une des jumelles ne se réveille pas. Elle avait 7 ans. Et "toute la famille a implosé".
puis
Leur mère les quitte le jour même de l'enterrement...
Leur père ne fait rien pour la retenir, ni pour la rechercher, ni pour que ses enfants la voit.
Il sombre d'abord dans l'alcool, passe la nuit dans la cuisine, repart travailler au matin et un jour se remet en ménage avec Colette qui restera avec lui jusqu'à la fin de sa vie.
Anna et Antoine pensent bien un jour aller voir leur mère. Ils savent où elle habite, mais ils n'ont pas d'argent et doivent y renoncer.
Leur père par lâcheté ne pense pas même pas à les y emmener.
Tous les étés, leur père se "débarasse" d'eux en les envoyant en colonie de vacances. C'est là-bas qu'Anna fait la connaissance de Thomas : ils se comprennent à demi-mots, sont heureux ensemble et ne se quitteront plus. Mais plus tard, c'est sûr, ils n'auront jamais d'enfants.
Lorsqu'Antoine rencontre Nathalie, il est amoureux fou et pense que tout va s'arranger dans sa vie. Ils ont deux enfants, Joséphine puis alors que leur couple sort à peine d'une crise, Léon.
Malheureusement, Nathalie s'en va elle aussi...
Dans la deuxième partie, le drame a eu lieu.
Après trois ans de soins psychiatriques, Antoine sort, quasiment seul au monde et s'enfuit au Mexique sans revoir ni ses enfants, ni sa femme. Seule sa soeur est venue le voir
En voulant se tuer et tuer ses propres enfants, il a voulu rompre la malédiction qui s'abattait sur lui, renoncer à la lâcheté, arrêter la transmission...
Au Mexique, il rencontrera d'autres êtres profondément meurtris et c'est une nouvelle vie qui l'attendra là-bas, une vie où personne ne lui posera de questions, où il se sentira enfin exister pour ce qu'il est, comme il est et où personne ne le jugera.
Dans la troisième partie, la parole est donnée à Joséphine, sa fille adolescente, sa principale victime...Le lecteur assiste à sa reconstruction physique et morale à travers ce qu'elle raconte à son psy ou à son journal. Il vivra en direct ses doutes d'adolescente, ses questions par rapport à sa famille et à son père et peu à peu son chemin vers un pardon possible.
Il est construit en trois parties alternant les époques et les personnages.
C'est un roman à la fois i dont le lecteur sort un peu secoué...
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il va droit au but pour obliger le lecteur à se poser des questions.
L'auteur a un vrai talent pour nous attacher aux personnages et nous obliger à les suivre et à rester accro jusqu'à la fin.
Comment peut-on voir Antoine, même s'il ne nous apparaît pas forcément sympathique ?
D'une part, la lâcheté de son père devient la sienne une fois qu'Antoine devient adulte. Il n'a eu que ce modèle de comportement (la fuite, la lâcheté, le déni) et ira encore plus loin avec ses enfants.
D'autre part, il se sent désarmé, honteux de se percevoir comme un lâche, de n'avoir pas confiance en lui, tout simplement parce qu'il n'a jamais été aimé, ou en tous cas n'a jamais perçu qu'il l'était, parce qu'on ne le lui a jamais dit et maintenant lui-même ne sait pas aimer...
Dans la vie on accepte beaucoup de choses tous les jours par lâcheté parce que ça nous permet de "vivre ensemble" sous couvert de courtoisie, de gentillesse et de politesse.
En refermant ce roman vous ne manquerez pas de vous interroger :
Quel est le prix de nos vies ?
Quelle valeur accordons-nous à notre bonheur ?
Quel est le prix à payer pour les souffrances ou les pertes, avant de retrouver goût à la vie ?
Que vaut une vie sans amour, sans mère ou sans père OU une vie avec un père ou une mère "manqué" ?
Extraits
"Quand elle est partie, le jour de l'enterrement, elle a emporté avec elle l'idée même d'une famille, d'une maison. L'envie de coller des dessins sur la porte du frigo. Elle a laissé le vide. Le froid. Mon père dans son assiette. Ma soeur et moi dans l'escalier. Alors ce jour-là, je ne l'ai pas prise dans mes bras. Ni emmenée avec moi. Je l'ai laissée là, au milieu des cendriers, des canettes de bière, de ses livres. Et je ne l'ai plus jamais revu..."
"Ce n’est pas que je n’ai pas voulu de toi, disait-elle ; je n’ai pas voulu de moi. Je ne comprenais pas. Elle a essayé de m’expliquer : elle ne s’était pas rêvée en parfaite petite mère de famille. Ça ne l’intéressait pas, c’est tout. Mais moi ? avais-je demandé. Moi, tu m’aimes, maman ? Tu m’aimes ? Elle m’a répondu : sans doute. Sans doute, mais à quoi ça sert ? ".
"Je suis resté seul avec elle, avec son corps, et là encore, je n’ai pas osé, Léon. Je n’ai pas osé prendre sa main, la prendre dans mes bras, pas osé lui parler, lui dire les derniers mots. Je n’ai pas osé la toucher, m’approcher d’elle. Pas osé un son, ni prononcer son nom. Je ne pleurais pas sa mort, Je pleurais ma lâcheté, mes peurs, je pleurais tout ce qu’elle ne m’avait pas appris et que, par faiblesse, je ne m’étais pas aventuré à apprendre. Ma mère m’avait laissé en vrac pour que je sois un homme, elle m’avait abandonné pour que je me trouve, elle m’avait aimé, à sa manière, dans son détachement, et je ne le savais pas. C’est cet amour qui nous manque, Léon. Nos mamans ".
"Le bonheur est une telle ivresse, une telle violence qu'il emporte tout. Les pudeurs. Les peurs. Il peut être si douloureux, il peut faire vaciller, anéantir. Exactement comme le malheur. Mais on ne le dit jamais de crainte que le monde se méfie du bonheur. Parce que alors tout s'écroulerait."
"On se fane, tu sais, quand on n'est plus choisi, on se décivilise, on se méprise, on s'ignore. On mange mal, on devient sale, on se met à sentir. Alors on attend un ange, bienveillant, qui se penchera sur vous, qui vous sauvera. Mais les anges ne viennent pas. Les hommes ne se relèvent jamais, c'est ce qui les rend touchants."
"L'avenir dure longtemps"
Grégoire Delacourt publie "On ne voyait que le bonheur"
Avec On ne voyait que le bonheur, Grégoire Delacourt signe son livre le plus ambitieux, le plus fort, le plus troublant, dans lequel, l'air de rien, il a mis beaucoup de lui-même. En une phrase ...
Interview de Grégoire Delacourt par Bernard Lehut sur RTL à propos de son livre. "Tout n'est pas pardonnable mais tout le monde doit avoir une chance d'être pardonné".